Un lourd bilan d'un accrochage entre l'ANP et les terroristes d'Aqmi inaugure le mandat de la "sécurité et de la stabilité". Quelques jours avant ce drame, alors que le pays s'apprêtait à reconduire le régime de "la stabilité", le Président-candidat s'inquiétait du "terrorisme à travers la télévision" devant le représentant de l'Espagne et le chef d'état-major de l'armée prêtait "la plus grande attention à la sécurisation des élections". Trop affairées à compléter les fiches des animateurs du mouvement Barakat, les autorités sécuritaires ont, peut-être, manqué de vigilance en direction d'un ennemi "réconciliable". Le danger pouvait plutôt venir des élections ! Et surtout du changement politique ! Car, "on ne veut pas que l'Algérie devienne l'Egypte, la Libye ou la Syrie !" Ah ! Le terrifiant épouvantail du changement, forcément "déstabilisateur" ! Pourtant, il n'y a pas de comparaison à faire entre les dégâts humains subis par ces pays du fait de leurs "révolutions" et celui enduré par l'Algérie. Même la guerre qui éprouve la Syrie, et qui a engagé l'aviation et les armes chimiques, n'a pas fait autant de malheur que le terrorisme islamiste dans notre pays. Faisant mine de craindre l'avènement d'un "printemps arabe", l'opinion algérienne démissionnaire s'empare de l'argument du spectre "égyptien" ou "syrien" qui légitime sa complaisance désastreuse. Ce discours de la peur a une double utilité. D'une part, il sert de philtre anti-mémoire ; c'est au prix de l'oubli que l'on a "la réconciliation", la paix ; et plus de questions à se poser, comme celle-ci, par exemple : où étais-je quand des femmes et des enfants se faisaient massacrer par milliers ? D'autre part, et comme "la paix" est un précieux acquis qu'il faut indéfiniment entretenir, le mieux serait de garder indéfiniment au pouvoir celui qui a su l'obtenir. Et cela justifie notre aptitude à subir la prolongation d'un règne ubuesque. La paix, la sécurité et la stabilité valent bien quelques renoncements ! Il faut observer que ce sont précisément ceux qui, jadis, s'émouvaient de "l'éradication" du terrorisme qui, aujourd'hui, célèbrent la disposition "réconciliatrice" du pouvoir. C'est le cas de Louisa Hanoune qui, samedi dernier, expliquait ainsi son ravissement devant la victoire "électorale" de Bouteflika : "Les Algériens ont fait le choix de la stabilité, la paix et la souveraineté nationale en vue d'éviter au pays de sombrer dans le désordre et l'anarchie chroniques", ajoutait-elle. Est-ce à dire que la victoire de tout autre candidat — même la sienne ? — aurait précipité le pays "dans le désordre et l'anarchie chroniques" ? Pourtant, à son premier meeting de campagne, à Annaba, c'était plutôt cela son discours : "Il faut avoir l'audace de franchir le cap, il faut avoir l'audace d'instaurer cette deuxième république qui sera la solution à tout", a-t-elle tranché. Et ce ne sera possible qu'avec une rupture totale avec le système du parti unique." Onze soldats assassinés en une opération, c'est un bilan de guerre, pas un accident de temps de paix. Ce n'est pas, non plus, le signe de la stabilité du pays ; c'est peut-être le prix de la stabilité du système. M. H. [email protected] Nom Adresse email