Liberté : Sommes-nous entrés dans un long cycle baissier ? Chemseddine Chitour : La baisse des prix du pétrole va durer au moins une année. Le gros problème à court terme est l'attitude de l'Arabie saoudite. Je ne pense pas que la réunion de l'Opep prévue prochainement puisse aboutir à une décision de baisse de production des pays de l'organisation afin d'augmenter les prix du brut. Je ne pense pas que l'Arabie saoudite puisse débloquer la situation. Cette baisse des prix du pétrole pourrait durer trois ans. En effet, en 2017, les Etats-Unis vont inonder le marché avec la croissance de leur production de pétrole de schiste. Mais à moins de 80 dollars le baril, ces prix ne pourront pas tenir à moyen long terme. Nous sommes aux limites de la compétitivité du pétrole de schiste (et des autres hydrocarbures non conventionnels ou difficiles à extraire). Ce ne sont plus les facteurs géologiques qui guident les prix (les perspectives de rareté du pétrole), mais les facteurs géopolitiques (Allusion à l'accord entre l'Arabie saoudite et les Etats-Unis) Comment expliquez la position de l'Arabie saoudite ? Il y a eu un accord entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite pour baisser les prix du pétrole. C'est un gros producteur avec une capacité de 10 millions de barils/jour. Il est plus regardant sur les volumes produits que sur les prix. Le deal avec les Etats-Unis pour faire chuter les prix, c'est par rapport à l'Iran et à la Russie, plus vulnérables à une baisse des prix du pétrole. Le premier est son ennemi. L'Arabie saoudite veut empêcher ce pays de développer son industrie nucléaire. Pour le second, il s'agit de l'affaiblir en raison de sa position dans la crise en Ukraine. Ces deux pays vont trinquer. Un petit pays producteur comme l'Algérie va aussi trinquer. Quelles seront les répercussions de la baisse des prix du pétrole sur l'Algérie ? Les prix du pétrole ont perdu 35 dollars entre juin 2014 et aujourd'hui. Ils étaient à 110 dollars. Ils sont à 75 dollars (moyenne du panier Opep). On peut estimer à au moins à 10 milliards de dollars la perte en 2015 en termes de recettes en devises tirées des exportations d'hydrocarbures. Il faut aller vers une autre politique pour amortir ces chocs extérieurs. Il convient, pour moins dépendre des hydrocarbures, d'aller vers une transition énergétique (développer les énergies renouvelables), vers les économies d'énergie et progressivement vers la suppression des subventions pour les produits énergétiques. Elles entraînent trop de gaspillage. Mais il faudra l'expliquer à la population, avoir sa confiance avant de les supprimer.