Visiblement, le processus a échappé au président de la République, puisqu'il réagit, quatre jours après, pour corriger une incongruité qui, de nos jours, ne se commet plus nulle part ailleurs. L'antécédent est inédit. Grave, sinon. Quatre jours à peine après un remaniement ministériel, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, intervient pour rattraper une inconséquence dans le pourvoi au très névralgique département des Affaires étrangères et repêcher, du même coup, le ministre de l'Energie dont le débarquement du gouvernement a chagriné au sein de certains cercles concentriques du pouvoir. Hier, lundi, en effet, la Présidence a annoncé dans un communiqué répercuté par l'Agence de presse officielle (APS) que "conformément aux dispositions de l'article 79 de la Constitution, Abdelaaziz Bouteflika, président de la République, a pris ce jour un décret présidentiel relatif aux nominations ci-après : Ramtane Lamamra est nommé ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale ; Abdelkader Messahel est nommé ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue arabe" et que "en application des dispositions des articles 77 et 78 de la Constitution, Abdelaziz Bouteflika, président de la République, a également pris un décret présidentiel portant nomination de Youcef Yousfi, ministre conseiller auprès du président de la République, chargé des questions de l'énergie". Outre la distinction dans le rang, ce sont rien moins que les attributions des deux ministres qui sont ainsi revues. Dans le gouvernement remanié jeudi dernier, Ramtane Lamamra et Abdelkader Messahel avaient tous les deux un rang de ministre. Le premier avait à charge les Affaires étrangères et le second avait compétence pour les Affaires maghrébines, africaines et la Coopération internationale. Autrement dit, le remaniement établissait une diplomatie à deux têtes. Le fait ne pouvait passer inaperçu, et il ne l'a pas été. Les médias ont relevé l'aberration d'une telle situation. Ils se sont également, mais surtout, tout comme l'opposition politique, d'ailleurs, interrogés sur les raisons ayant présidé à cette mise en concurrence des lettres de mission et des prérogatives de deux ministres. On imagine que les chancelleries étrangères se sont, elles aussi, posé les mêmes questions et ont cherché des réponses. Cependant, des lectures, il y en a eu. Par colonnes entières. La plus affirmée et la plus partagée d'entre elles a été que l'élévation de Messahel au rang de ministre avec, en sus, sa prérogative élargie à la coopération internationale procédait de la volonté de Bouteflika de réduire l'influence et la notoriété d'un Lamamra qu'il n'apprécierait pas trop, voire pas du tout, mais à qui il ne pouvait totalement dénier les bons points qu'il a fait récolter à la diplomatie algérienne. Cette lecture ne résiste plus devant cette autre assertion qui suppose que la propulsion de Messahel à la hauteur des attributs de Lamamra serait, en vérité, le fait de la puissante oligarchie. L'immixtion des oligarques Dès lors que la coopération internationale intégrait ses attributions dans le gouvernement de jeudi dernier, Messahel, passé de ministre délégué au rang de ministre, pouvait donc s'occuper de la "diplomatie économique", une tâche à laquelle commençait à s'initier, avec grand bruit, le président de Forum des chefs d'entreprise (FCE), Ali Haddad. Ce dernier, pour rappel, s'y était tellement investi, recevant notamment des ambassadeurs étrangers, que la secrétaire général du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, a dénoncé une diplomatie parallèle. D'aucuns estiment que c'est cette alerte émise par la patronne du PT, relayée par d'autres voix politiques, qui aurait dicté de mettre ce lobbying économique sous l'apanage d'un ministre. Et là se pose l'inévitable question de qui a eu l'initiative de remanier le gouvernement, jeudi passé. Visiblement, le processus semble avoir échappé au président de la République, puisqu'il réagit, quatre jours après, pour corriger une incongruité qui, de nos jours, ne se commet plus nulle part ailleurs. Une source diplomatique, qui a souhaité s'exprimer sous le sceau de l'anonymat, s'est dit convaincue que le remaniement ministériel a été la résultante du truchement de différentes forces agissantes au sein du pouvoir. Preuve en est ce bricolage qu'il est donné de noter. Les observateurs avertis de la scène politique nationale avaient prédit des conséquences désastreuses du 4e mandat de Bouteflika sur la vie les institutions de l'Etat. Le temps semble leur donner raison. S.A.I.