L'histoire retiendra que c'est bien grâce à Germaine Tillion que Yacef Saâdi et Zohra Drif ont échappé à une liquidation extrajudiciaire. Avec sa "panthéonisation", c'est une partie de notre guerre d'indépendance qui est ainsi sacralisée. Ce 27 mai 2015, coïncidant en France avec la célébration de la journée nationale de la résistance, Germaine Tillion entrera au Panthéon en compagnie de trois autres figures françaises. Du coup, c'est une partie de notre guerre d'indépendance qui est convoquée, car entre l'ethnologue française et l'Algérie, entre cette grande résistante et certaines de nos valeureuses moudjahidate, telles que Zohra Drif, Hassiba Ben Bouali et Fatima Hamdiken, s'est tissée plus qu'une histoire passionnante. Avec Geneviève de Gaulle, elle est la deuxième femme à accéder au monument après la scientifique Marie Curie. Des acteurs de la guerre d'indépendance retiendront de Germaine Tillion son honnêteté, son sens de l'honneur et son engagement pour la dignité des combattants pour la liberté. Après l'arrestation de Yacef Saâdi et de Zohra Drif, à la suite de la bataille d'Alger, cette grande résistante contre l'occupation nazie de la France et proche du général de Gaulle déploya tous ses efforts pour éviter la liquidation de ces deux héros comme elle le fera pour d'autres combattants et amis de l'Algérie dont des membres du réseau Jeanson. Elle ira jusqu'à témoigner, lors du procès, en faveur du colonel Yacef Saâdi, chef de la zone autonome d'Alger. Yacef, Zohra, Hassiba, Ali la Pointe, Oukhiti, Bouzourène, elle les a connus et rencontrés l'été 1957 dans la clandestinité à Alger, lors de deux missions qu'elle accomplira dans le cadre de ses activités au sein de la Commission internationale contre le régime concentrationnaire, la "CICRC", grâce à deux autres militants, Hadji Smain et Fatima Hamdiken. Mais ses relations avec l'Algérie remontent plus loin. Elle est à Alger en 1956 pour plaider avec Albert Camus son appel à la trêve civile. En 1955, elle est au cabinet de Jacques Soustelle avec lequel elle partage le passé de résistant. C'est durant la fin de cette année qu'elle lança les centres sociaux pour, selon ses vœux, aider les populations algériennes à faire face à leur misérable situation socioéconomique. Germaine Tillion est aussi en Algérie bien avant le déclenchement de la guerre d'indépendance et de la Seconde Guerre mondiale. Sa première mission en tant qu'ethnologue remonte à 1934 où elle mena une étude jusqu'à 1937. Elle reviendra pour une seconde mission, de 1939 à 1940. Ses études seront consacrées aux coins les plus reculés et pauvres des Aurès, chez les Ath Abderrahmane. Ses missions étaient tout sauf des voyages en quête d'exotisme. "Je considérais les obligations de ma profession d'ethnologue comme comparable à celle des avocats, avec la différence qu'elle me contraignait à défendre une population au lieu d'une personne", disait-elle. M. K.