L'émotion a habité, samedi après-midi, le théâtre régional de Batna, lors du 6ème forum culturel aurassien (FCA), organisé par l'association «Les amis de Medghacen», en collaboration avec l'université Hadj Lakhdar. Et pour cause, l'invité n'était autre que l'une des grandes dames de la révolution algérienne, Zohra Drif-Bitat pour présenter son livre «Les mémoires d'une combattante de l'ALN». L'émotion était intense, lorsque l'invitée a retrouvé la moudjahida Fatima Hamdiken, celle que Zohra Drif évoque dans son livre comme étant un personnage clé pour la rencontre avec « Germaine Tillon ». Ce n'est qu'en 2013, c'est-à-dire 56 ans après son arrestation, que Zohra Drif a su que si elle est aujourd'hui encore parmi nous c'est grâce à ladite rencontre. «À l'Indépendance, des années plus tard, j'apprendrai que Fatima Hamdiken, élève et amie de Germaine Tillion, avait été arrêtée elle aussi et torturée à mort (…) Mme Tillion avait dû ameuter le ban et l'arrière-ban, notamment les plus hautes autorités, pour qu'il ne nous arrive rien. Tel fut le cas et je lui réitère ma gratitude éternelle. À Yacef, à Djamel, à Yemma, à Oukhiti et à Didi Larbi, aussi. Grâce à Germaine Tillion, Lacoste, Massu, Godard et Trinquier avaient dû recevoir l'ordre de ne pas nous toucher», écrit-elle dans son livre. Lorsque le nom de Fatima Hamdiken fut prononcé et son parcours raconté par Azeddine Guerfi, président de l'association, le public s'est levé pour saluer le courage et la bravoure d'une des grandes femmes des Aurès. Des plaines du Sersou où elle a vu le jour à l'université d'Alger, Zohra Drif racontait son parcours avec une voix chaleureuse, parfois vibrante, mais constamment douce. Elle a évoqué la vie au quotidien de tous ceux et celles qu'elle a côtoyés. Elle dira que la France a institué «un véritable apartheid» en Algérie. Lorsque ce fut le moment de parler de sa rencontre avec «Si Mohamed», -Larbi Ben M'hidi-, le silence a régné dans la salle. Le modérateur de la rencontre, Chaâbane Hamouda, fils du moudjahid Si El Haoues, et membre de l'association, n'a pas pu contenir ses larmes. Il lisait l'extrait du livre décrivant la scène en petites salves, ponctuée de sanglots. C'est dire combien il est dur de raconter les grands hommes. «J'ai raconté ma vie non pas parce qu'elle est exceptionnelle mais parce qu'elle représente la vie de toutes les Algériennes de l'époque. Elles ne sont simplement pas connues», dira-t-elle humblement.