La situation qui prévaut à Ghardaïa est à la fois très inquiétante et très grave, pour les deux animateurs de la soirée ramadhanesque, au siège du Raj. De l'avis de Sabrina Rahimi, médecin et porte-parole du Collectif national pour un moratoire sur le gaz de schiste, "la situation est très complexe et il serait vicieux de l'enfermer et la limiter à un problème ibadites-malékites". Elle estime qu'il y a "des enjeux qui nous dépassent", en se demandant pourquoi ce conflit dure depuis 2 ans et en s'interrogeant sur cette "haine" destinée à diviser ibadites et malékites et à "stigmatiser une population par rapport à une autre", alors que "l'Algérie est diverse". La représentante du CNMGS constate en outre qu'"actuellement, on nous parle de personnes cagoulées qui tuent, ce qui est très grave". Elle admettra, cependant, que la population de Ghardaïa a changé, ces dernières décennies, en raison du "développement pétrolier" et des emplois créés dans la région, faisant de Ghardaïa "une plateforme économique", voire "une porte économique du Sahara". Pour le Dr Rahimi, la déstabilisation de cette région peut entraîner des conséquences très graves ; aussi, appelle-t-elle les pouvoirs publics à "réagir pour régler définitivement le problème", en espérant le "retour au calme" et l'organisation urgente d'un "débat sur la situation de Ghardaïa, avec les deux parties (en conflit, ndlr)". À la question relative à l'intervention militaire à Ghardaïa, la porte-parole du CNMGS pense qu'elle est "la bienvenue pour ramener le calme et épargner des vies humaines", en avouant que l'absence du politique est "le grand point d'interrogation". "Il est inquiétant de devoir recourir à l'armée pour assurer la sécurité du citoyen et de ses biens. C'est inquiétant dans la mesure où il y a la police et la gendarmerie qui devraient normalement s'acquitter de cette tâche", précise notre interlocutrice. Le point de vue de l'enseignant-chercheur se veut davantage un regard critique sur la société et ses institutions, ces dernières sont censées représenter, arbitrer et défendre le citoyen. Selon lui, les événements de Ghardaïa risquent "de durer dans le temps et de s'étendre et de développer d'autres formes plus violentes et plus menaçantes". Cela, en raison du "degré de violence" et du nombre de morts. Ce qui se passe à Ghardaïa est, selon lui, "dangereux" à tout point de vue et confirme "l'échec du système politique, dans la conduite des transformations accomplies par l'Etat national et de ses institutions", dans la conduite de "la diversité sociale, culturelle et religieuse", depuis l'Indépendance. "Ce que construit l'Etat est détruit par le système", soutient-il. M. Djabi, par ailleurs, relève que la situation à Ghardaïa nous renseigne que "les causes des conflits sont plus profondes qu'on ne l'imaginait et plus complexes", qu'elles renvoient à des différents niveaux, pas seulement politique, culturel et à celui des valeurs, mais aussi à des causes historiques. Il déplore d'ailleurs le grand impact de la rente sur le pouvoir et le "manque d'imagination politique" dans le traitement des problèmes soulevés par les Algériens. Aux yeux du système, l'Algérien ne peut être qu'"étudiant" qui a besoin de travail et de logement, indique-t-il. Une vision bien étroite par rapport à l'ouverture des temps nouveaux et à la conception des jeunes générations, y compris chez les jeunes Mozabites. H. A.