Les mouvements sociaux en Algérie penchent vers la «tribalisation» constituant, ainsi, un sérieux danger. «Nous sommes en train de perdre le carcan national et c'est un danger. Le maigre résultat de la lutte sociale et l'étouffement dont souffrent les mouvements sociaux ont encouragé le communautarisme. La faiblesse de l'Etat a encouragé la tribalisation», a déclaré le sociologue Nacer Djabi, lors d'une conférence-débat animée, vendredi soir, au siège de l'association Rassemblement Action Jeunesse (RAJ). Abordant le thème «La genèse des mouvements sociaux en Algérie et leur évolution», l'universitaire souligne la contradiction entre le nombre d'associations et le maigre résultat obtenu sur le plan politique. «Il y a un échec quelque part. On n'a pas pu être des citoyens», explique-t-il, en s'interrogeant sur les raisons qui sont à l'origine de l'incapacité des mouvements sociaux à réaliser des acquis importants. En effet, selon lui, l'Algérie a connu de nombreux mouvements sociaux, notamment depuis le milieu des années 1980. A cette époque, le mouvement social avait, selon lui, des caractéristiques bien précises. «Les mouvements sociaux dans les années 1980 sont apparus dans les grandes villes et plus précisément dans les quartiers populaires à forte densité de population jeune. Ces mouvements sont également à caractère oral (il n'y a que très peu de texte portant des revendications). De plus, ils ne sont pas violents, comme il n'a pas produit une élite qui peut être un interlocuteur du pouvoir», explique-t-il. Selon lui, cette caractéristique expose ce mouvement à toutes les manipulations. Notamment de la part du pouvoir qui choisit le sens à donner aux revendications soulevées. «Généralement, le pouvoir donne la signification qu'il veut à ces mouvements. Il opte tout le temps pour des interprétations économiques et sociales faciles à satisfaire. Mais pas politiques», indique-t-il. Des grandes villes, les mouvements sociaux se sont déplacés, enchaîne-t-il, vers les petites villes et certains villages. «Ainsi, l'ancienne image selon laquelle le mouvement social est limité aux grandes villes a disparu», ajoute-t-il. Nacer Djabi rappelle également, dans ce sens, que le mouvement apparu vers la fin des années 1980 a été récupéré par le FIS. Contrairement à cette catégorie de mouvement qui manque d'organisation, le sociologue revient sur le mouvement berbère qui est, selon lui, différent du premier. «Le mouvement berbère était plus organisé, encadré, ses revendications claires et il était aussi pacifique», développe-t-il. Mais la donne a changé aujourd'hui. Même le Sud qui était paisible, rappelle-t-il, est gagné, ces dernières années, par des mouvements sociaux. Et cela suite à l'implantation de l'université et au développement des moyens de transport. Malgré leurs multiplications, les mouvements sociaux algériens n'ont pas pu, selon le conférencier, réaliser de résultats sur le plan politique. «Des générations d'Algériens ont fait partie de ces mouvements, mais ils n'ont pas arraché d'acquis politiques importants.» Et de s'interroger : «Quelle est la force de ce système qui a résisté à tous ces mouvements ?» Pour sa part, Mme Rahimi Sabrina, porte-parole du Collectif national pour un moratoire sur le gaz de schiste, est revenue sur le mouvement d'In Salah.