Qui l'eut cru ? Un arbitre de renommée mondiale, en l'occurrence Djamel Haïmoudi, fraîchement en retraite, écarté de la Commission fédérale des arbitres de la FAF alors qu'il aurait pu rendre d'énormes services, notamment dans le domaine de l'arbitrage. Mais voilà les incompétents et autres parvenus de la CAF, les corrompus en retraite, en ont décidé autrement, forçant l'un des meilleurs arbitres arabes et africains de tous les temps à un exil forcé en France. Notre envoyé spécial et spécialiste de l'arbitrage, Rachid Abbad, l'a rencontré justement au restaurant Fi-Darna sis à Sainte-Geneviève-des-bois à Paris où il s'est établi avec sa petite famille. Djamel Haïmoudi, 45 ans aujourd'hui, a décidé de se confier aux lecteurs de Liberté et rompt le silence pour évoquer son cas personnel et la situation de l'arbitrage algérien, et ce, 18 mois après avoir pris sa retraite. Liberté : Depuis votre dernier match au Mondial brésilien en 2014, où vous aviez brillamment dirigé la petite finale ente la hollande et le brésil, on vous a perdu de vue, que devient Djamel Haïmoudi ? Djamel Haïmoudi : Je me suis établi définitivement à Paris en famille depuis le mois de mai 2015, je mène une vie calme avec mes enfants que je n'ai pas vu grandir en raison de mes nombreux engagements au plan international, du fait que je fus très sollicité par la FIFA et la CAF pour diriger des phases finales. Aujourd'hui, c'est un autre Haïmoudi, qui consacre, désormais son temps à sa petite famille. On a laissé entendre qu'on vous a forcé à l'exil ? Justement, vous me donner l'occasion pour tirer au clair cette situation, personne ne m'a forcé à l'exil comme vous le dites, le choix de m'installer en France a été pris bien avant ma retraite, et ce, en étroite concertation avec ma famille, ça n'a absolument rien à voir avec l'arbitrage, ma décision de quitter l'Algérie était prise bien avant, l'arbitrage n'est pas mon gagne-pain, ni ma préoccupation principale, j'ai d'autres choses dans la vie, notamment mes enfants dont je veux être proche. L'arbitrage est, certes, une passion, mais il n'est pas tout dans ma vie. Toutefois, le fait d'être installé à l'étranger ne m'empêche pas au cas où je serai sollicité pour apporter ma modeste contribution au développement et à la formation de l'arbitrage algérien.
En étant loin du pays, quel regard portez-vous sur le niveau de l'arbitrage algérien ? Je ne vous le cache pas que je ne suis pas régulièrement la prestation des arbitres, car je n'ai pas assez de temps pour regarder les matches. D'après certaines séquences de la télévision et des commentaires de la presse, il y a eu du bon et du moins bon, les performances des arbitres, sont souvent sujettes à des critiques. Pourquoi ? La question mérite d'être posée, est-ce qu'il y a la qualité et la quantité suffisantes aujourd'hui ? En ce moment, il y a trois catégories d'arbitres, la première regroupe les Houasnia, Benouza, Amalou et Bichari, les deux derniers ont tiré leur révérence, la deuxième celle des Bekouassa, Benbrahem, Arab, et la troisième est celle qui n'a pas eu la chance comme les autres, peut-être qu'elle n'a pas bénéficié de bons échos auprès du président de la CFA ou n'a pas eu des rapports favorables de certains évaluateurs. Pensez-vous qu'actuellement l'arbitrage est bien pris en charge par la CFA ? Sur le plan organisationnel, il est très bien pris en charge, car la FAF n'a pas lésinés sur les moyens, elle a mis des moyens colossaux à la disposition de la CFA pour qu'elle réussisse son challenge, il y a eu même un budget spécial débloqué pour l'arbitrage, pourquoi ? ça fait deux ans que cette CFA est en place, son président avait souligné qu'il entreprendrait des réformes profondes de l'arbitrage, aussi pour connaître les résultats d'une réforme il faut trois ans, nous sommes à la 2e année, on constate qu'il y a eu des résultats, est-ce que la réforme a été enclenchée ou pas ? Car pour entreprendre une réelle et efficace réforme, il faut commencer par la base tout en allant vers l'élite, aujourd'hui, cette réforme n'a touché uniquement que l'élite, à savoir les arbitres de L1 et L2. Est-ce une question de compétences au niveau de cette structure technique ? Je vais répondre à cette question par une autre, le président de la CFA et la LFP, se sont rendus il y a quelques mois à la Fédération française de football pour s'inspirer du modèle de réforme français en matière de développement et formation d'arbitrage, je ne sais pas s'ils ont appliqué ou pas ce modèle, car les Français éprouvent jusqu'à maintenant des difficultés, il y a toujours des erreurs d'arbitrage qui faussent parfois le résultat. Chez nous, la CFA doit obligatoirement changer tous les présidents de commission d'arbitrage de Ligues de wilaya et régionales, c'est une condition sine qua non, si vraiment on veut que l'arbitrage se développe. Ces présidents de commission, sont dans ce poste depuis plus de 20 ans, ils doivent céder leur place, ils n'apportent rien à l'arbitrage, M. Saâda Benaouda n'apporte rien à l'arbitrage au niveau de la régionale d'Oran, il doit laisser sa place aux jeunes. Si la CFA a un projet ambitieux, elle doit le faire avec des gens nouveaux qui ont de l'ambition et des idées nouvelles. Aujourd'hui, je le dis et le répète, le mal de l'arbitrage se situe au niveau des ligues de wilaya et ligues régionales qui sont devenues un héritage familial sans rien apporter. Le président de la CFA commence à comprendre où se situe le mal, il doit impérativement sévir pour réussir son projet, il ne doit pas en outre faire une confiance aveugle à certains qui lui véhiculent à tort une image négative de certains arbitres pour servir leurs intérêts, il doit s'appuyer sur des gens sincères et crédibles qui ont un passé propre et honnête, il y va de la crédibilité de sa structure. Ce sont les intérêts des uns et des autres qui ne laissent pas l'arbitrage progresser, certains tentent de tromper le président de la CFA, pour préserver leurs intérêts au détriment de la crédibilité de l'arbitrage, ils s'en foutent éperdument, l'essentiel pour eux est de garder leurs avantages. Qui est le grand perdant ? C'est évident que ce sera le président de la CFA qui perd son projet et sa réforme, il faut que tout le monde contribue à la réussite de l'arbitrage pour élever le niveau du championnat et accompagner le projet de réforme. Justement, les gens s'interrogent sur les raisons de votre absence au sein de la CFA. Qu'en est-il au juste ? Moi, j'ai fait une Coupe du monde, j'ai honoré mon pays tant au niveau national qu'international, j'ai contribué pleinement à l'essor de l'arbitrage algérien, la balle est dans le camp de la commission d'arbitrage ou la Fédération, c'est elles qui peuvent vous dire pourquoi je ne m'y trouve pas. J'ai lu récemment un article où le président de la CFA disait que Haïmoudi doit faire une demande à la CFA, pourquoi dois-je faire une demande ? Je ne peux pas faire une demande pour la simple raison que depuis 1962, jamais un instructeur ou un évaluateur a formulé une demande à une commission d'arbitrage pour intégrer la commission de formation ou d'évaluation, ça d'un côté, de l'autre, pour les stages de la CAF ou ceux du futuro, ils disent que je n'avais pas le futuro, c'est bon je l'ai obtenu, maintenant, il y a cette question de principe, je ne peux pas avec mon très riche CV faire l'aumône, si mon pays a besoin de moi, je suis prêt à répondre au devoir de ma nation qui m'a tout donné, je dois lui rendre ce qu'il m'a donné sinon, je suis très bien au milieu de ma famille. On sent au fond de vous une certaine frustration, est-ce le fait de ne pas transmettre tout votre savoir-faire à cette génération qui vous fait mal ? Il est vrai que 27 ans de carrière dans l'arbitrage ne doivent pas partir comme ça en l'air, je vous mentirai si je vous dirai le contraire, c'est comme le banc de touche d'une équipe de football, il y a toujours des changements au cours d'une partie, moi j'en fais partie, je ne m'inquiète pas trop, car je suis encore jeune, mon heure viendra tôt ou tard, je ne fais pas une fixation sur ça, la vie continue pour moi, il ne faut pas oublier qu'il y a des gens qui ont des intérêts, ils font tout pour que Haïmoudi n'intègre pas la CFA, ils ont peur. Qui sont ces gens-là ? Ils sont connus de tous, ils peuvent être au sein de la CFA comme à l'extérieur. Ils font de moi un cliché alors que mon parcours aux différentes compétitions internationales parle de lui-même. Il y a eu des critiques acerbes récemment sur la qualité d'arbitrage. Qu'en dites-vous ? Les critiques négatives de la performance d'une arbitre sont bonnes, elles leur permettent de s'améliorer et de progresser, les analyses lors du débriefing ou à la télévision doivent impérativement être objectives pour les arbitres et l'opinion publique. Aujourd'hui, on voit, par exemple, la même action litigieuse interprétée différemment à la télévision, l'un dit penalty, l'autre affirme le contraire, le téléspectateur est désemparé, il ne sait pas lequel dit la vérité et lequel ment. Les arbitres algériens sont de moins en moins sollicités par la FIFA et la CAF, pourquoi ? Il y a Abid-Charef, présélectionné pour le Mondial 2018 dans la liste préliminaire, il doit travailler davantage, car il a des arbitres à la CAF comme Gassama né en 1979, Alioum né en 1981, Ottogo, Ghrisha qui sont de sérieux prétendants pour le Mondial, Abid est né 1980, il faut qu'il récupère au plus vite l'expérience de deux ans qu'ils ont pris sur lui, et qu'il fasse un nom avec de l'expérience et l'intelligence qui viendra avec les matchs, il a l'avantage d'être avec Abdelhak Etchiali qui peut l'aider à acquérir cette expérience puisqu'il a fait avec moi le Mondial, une bonne occasion pour Abid-Charef. Un mot pour clore cet entretien ? Oui. L'arbitrage algérien doit être bâti par les Algériens eux-mêmes, jamais par les experts étrangers, car ses experts-là ne donnent pas tout aux Algériens, ils préfèrent le transmettre à leurs compatriotes pour des questions évidentes, nos responsables doivent comprendre cela, il ne faut pas trop croire aux experts étrangers.