L'année 2015 vient de se terminer de façon catastrophique avec un prix du pétrole qui tourne autour des 37 dollars. L'année 2016 qui vient de commencer est, pour sa part, porteuse d'une situation extrêmement compliquée et très incertaine. Pour l'expert pétrolier et ancien PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, "l'année 2016 sera une année difficile pour l'Algérie et pour tous les pays producteurs dont les économies dépendent essentiellement du pétrole, y compris l'Arabie Saoudite". Avec un prix à 37 dollars, Abdelmadjid Attar estime qu'on n'est pas très loin du plancher. "Je ne pense pas que le prix va descendre à 20 dollars comme le disent certains. Il va arriver un moment où, à ce prix-là, les producteurs ne produiront pas autant, pour la simple raison que cela ne sert à rien de produire et de vendre à 20 dollars. Aucun producteur ne continuera à produire à un prix pareil", indique-t-il. Maintenant est-ce que le prix va remonter ? Le constat qui est fait est que le monde vit une récession. C'est le manque de consommation dans tous les pays, surtout la Chine et les pays émergents qui consomment moins de gaz et moins de pétrole. L'Europe aussi. L'expert indique que le prix ne peut remonter que s'il y a une reprise de l'économie mondiale. "C'est extrêmement important", juge-t-il. "Tant qu'il n'y a pas de reprise de consommation dans ces pays-là, le prix ne remontera pas beaucoup. Il peut remonter autour de 40 à 45 dollars mais pas plus." Concernant justement cette reprise de la consommation donc de la demande, Abdelmadjid Attar y voit trop d'incertitudes. "Non seulement pour des raisons économiques mais aussi pour des raisons géopolitiques, avec tout ce qui se passe en ce moment dans le monde." Allant plus loin dans son analyse, l'expert indique que, "autrefois quand il y avait un problème géopolitique comme celui qui se passe actuellement entre l'Arabie Saoudite et l'Iran on avait tout de suite une augmentation importante du prix. Or, aujourd'hui cela augmente de 1 où 2 dollars. Quand on a eu le problème entre la Turquie et la Russie, beaucoup d'analystes ont dit que le prix va augmenter de 5 à 10 dollars. Il n'y a rien eu. Le prix a même baissé". Ce qui le pousse à conclure que "les facteurs économiques, à savoir la reprise de la consommation et de la croissance sont essentiels en ce moment". Il ajoutera que dans cette conjoncture l'Opep n'a aucune marge de manœuvre. Pire, selon lui, "l'Opep est en train de mourir. Elle est dépassée aujourd'hui. C'est devenu une simple instance de concertation entre les pays membres". Selon lui, ce qui influence aussi bien les niveaux de production que les prix se sont beaucoup plus des alliances de fait. Il citera ainsi la Russie et la Chine, l'Iran qui joue son propre jeu et qui se rapproche beaucoup plus de la Russie que des autres membres de l'Opep. L'Algérie qui se retrouve complètement isolée. Le Nigeria et le Venezuela qui sont hors jeu. Les Etats-Unis qui jouent leur jeu tout seul. Dans leur cas, ce qui les intéresse, c'est l'indépendance énergétique. Ils ont atteint ce niveau-là en ce moment. Pour combien d'années ? Certainement pour plusieurs années, estime-t-il d'autant qu'ils ont des stocks extraordinaires et ils produisent toujours leur gaz de schiste même à 37 dollars. "Dans tout ceci, l'Opep est insignifiante." Reste enfin, l'arrivée, cette année, de nouvelles quantités supplémentaires de pétrole à travers l'Iran, l'Irak et les Etats-Unis qui risquent de compliquer la donne. Pour Abdelmadjid Attar, l'arrivée de ces capacités supplémentaires ne vont pas compliquer les choses plus quelles ne le sont déjà. "L'Iran va produire au plus entre 150 à 200 mille barils/jour si l'embargo est réellement levé. Ces capacités de production qui ont subi l'impact de l'embargo nécessitent une modernisation et une réparation. Les Russes produisent déjà au maximum de leurs capacités, les Saoudiens eux-mêmes produisent au maximum de leurs capacités. Les pays du Golfe aussi." Par ailleurs, il précisera que toutes ces capacités produites, il faudra leur trouver preneur. "Les stocks sont pleins. Quel que soit le prix il n'y aura pas de preneurs même si le prix est à 20 dollars", conclut-il. A. A. (*) Spécialiste pétrolier et ancien PDG de Sonatrach