La Journée mondiale du cancer, coïncidant avec le 4 février de chaque année, a été l'occasion pour l'association Taourirt des victimes des essais nucléaires (Aven) effectuées par la France à In Eker, dans la wilaya de Tamanrasset, de lancer leur énième cri de détresse face la prolifération inquiétante de cette maladie dans la région. Un cri qui dénote les souffrances d'une population en proie à une importante charge de morbidité imputée au cancer. "Cette journée nous remet un peu dans le contexte de la douleur vécue tous les jours par les populations des zones irradiées. Nous interpellons la France et les autorités algériennes pour que ces victimes soient réellement prises en charge. Il est temps de sortir du verbe et des paroles creuses pour aller vers l'action. Il faut qu'on agisse dans les faits afin d'aider ces populations à se débarrasser de ce lourd boulet sanitaire traîné depuis l'Indépendance", se lamente Abdelkrim Touhami, vice-président de Taourirt. Selon notre interlocuteur, une étude réalisée par des experts montre que 21,28% des femmes de cette région du Grand-Sud sont atteintes de cancer du sein et 10,13% de cancer de la thyroïde. Les statistiques obtenues font ressortir un taux de 18 cancéreux sur 500 habitants. Un taux en dessous de la norme fixée à 104 cas pour le même nombre d'habitants, précise-t-on. Sauf qu'à Tamanrasset, ce chiffre prête à spéculation puisque les malades ne consultent pas et nombreux sont ceux qui trépassent dans l'anonymat. Plus de vingt types de cancers sont répertoriés dans la wilaya, indique Mahmoud El-Ouaer, président de l'association, qui regrette le fait que les cancéreux reçus au niveau des structures sanitaires locales soient généralement au dernier stade et décèdent peu après le diagnostic. Le constat est plus qu'alarmant. Le cancer de la thyroïde qui est au 10e rang, selon les registres du cancer du nord du pays, est en 2e position à Tamanrasset, surtout chez les femmes. Outre cette localisation néoplasique, on note un taux particulièrement élevé de cancers du sein et cutanés qui diffèrent par leur présentation clinique de ceux observés dans le nord du pays. La menace radioactive, faut-il le dire, pèse sur la femme enceinte avec son lot de malformations chez le nouveau-né et est souvent à l'origine de la stérilité des hommes. La situation risque de perdurer malheureusement en l'absence de décontamination des sites des essais, d'une part, et la situation radiologique de cette région dénuée de moyens, de l'autre, sachant qu'une wilaya comme Tamanrasset ne dispose pas de centre de mammographie ni d'oncologie. "L'absence de dossiers médicaux et de statistiques sur des populations exposées aux rayonnements ionisants a encore aggravé la donne", regrette M. El-Ouaer. Du côté de la direction locale de la santé, on a appris qu'une unité d'oncologie et de chimiothérapie a été récemment mise en service au niveau de l'EPH (établissement public hospitalier) de la ville de Tamanrasset où sont pris en charge 75 cancéreux. RABAH KARECHE