La relation entre les affections graves comme le cancer et les radiations ionisantes a été au centre des débats et des interventions animés par d'éminents chercheurs dans le domaine du nucléaire et des professeurs d'oncologie, lors de la journée scientifique organisée hier à Adrar dans le cadre du 4e forum régional sud. Les différents intervenants ont, en effet, essayé de traduire les conséquences néfastes des radiations, durant les essais et jusqu'à aujourd'hui, sur la santé des populations et sur l'environnement dans toutes ses dimensions. Selon les déclarations officielles de l'armée française, 57 essais ont été effectués dans le sud algérien, zone choisie pour les expérimentations. Mais les participants à la rencontre affirment que le nombre est plus important que celui rendu public. Le Pr Abid, chirurgien spécialiste en cancer de la prostate, affirme que «les conséquences sanitaires sur les Algériens, travailleurs de l'armée française, population locale, sédentaires ou nomades et sur les français militaires ou civils sont largement confirmées par les témoignages des victimes, des vétérans des essais nucléaires ou par leurs veuves et leurs descendants, ou par les autorités françaises elles-mêmes». Le Pr Bourouba, spécialiste en médecine nucléaire, a avancé, quant à lui, que des études approfondies seront entamées incessamment pour étudier la gravité des effets suscités et trouver, par la même occasion, des moyens adéquats pour décontaminer les zones touchées par les radiations ionisantes. Les cancers les plus fréquents dans ces zones contaminés sont multiples, notamment ceux de la peau et du sein, mais le Dr Nadjia Khiati, spécialiste en oncologie, a réussi durant des 10 années d'exercice à Tamanrasset à faire une étude rétrospective sur le cancer de la thyroïde dans cette région durant la période allant de 2003 à 2007. Ces études montrent que ce type occupe la deuxième place avec un taux de 18,33%, après le cancer du sein, qui représente 56,66%. La jeune génération, selon elle, «est plus exposée au développement du cancer du fait d'une plus grande sensibilité de la thyroïde». Le cancer colorectal est classé en troisième place avec 11,68%. Le Dr Khiati estime que ce taux relativement élevé «peut être lié à l'irradiation suite aux essais nucléaires», ajoutant dans ce contexte que la ville de Aoulef est proche de Reggane et que Tamanrasset se trouve à 160 km d'In Ecker, ce qui laisse supposer le risque important de l'irradiation dans cette région (sites des essais nucléaires)». Le Dr Zina Meloui, spécialiste en oncologie et qui exerce à l'hôpital de Tamanrasset depuis 5 ans, s'est également penché sur ces pathologies fréquentes dans cette région. Elle constate, suivant les cas qui se sont présentés au niveau du service d'anatomie et de cytologie pathologique EPH Tamanrasset, que «la pathologie cancéreuse à Tamanrasset est variée». Elle estime, cependant, qu'une campagne de sensibilisation pour le dépistage prématuré est nécessaire dans la région, car la plupart des cancéreux arrivent à un stade très avancé, où il est difficile d'intervenir. Absence d'études sur les conséquences des effets nucléaires Contacté par Le Temps d'Algérie, un médecin généraliste de la wilaya d'adrar a affirmé que les effets des radiations ionisantes sont restés un sujet tabou en Algérie. Ajoutant qu'aucune étude profonde n'a été faite pour prouver le lien existant entre la fréquence des maladies graves et les effets nucléaires. S'appuyant sur les témoignages des habitants de la région, il affirme que l'expansion des risques est liée au pillage du matériel abandonné par les militaires français après leur départ de leur site, notamment les humidificateurs contaminés et la ferraille abandonnée récupérée par les touaregs.