L'écrivain d'expression française Chabane Ouahioune s'est éteint lundi en fin de journée dans son village natal, Tassaft Ouguemoune, à l'âge de 94 ans. Cloué au lit par le poids de l'âge depuis quatre longues années, celui que tout le monde dans sa région nomme affectueusement Da Chavane est parti sur la pointe des pieds. Il sera inhumé aujourd'hui, mercredi, à Tassaft Ouguemoune, ce village perché sur une de ces collines d'Iboudrarène qui ont inspiré le gros de son œuvre littéraire riche de huit romans. De La Maison au bout des champs à L'Aigle du Rocher, passant par Les Conquérants au parc rouge et Randonnées avec Aït Menguellet, Chabane Ouahioune s'est fait le devoir d'être, comme le décrivait une thèse de doctorat d'Etat soutenue en 2001 au département de français de l'université d'Alger, "l'enregistreur d'un vécu dont il entend simplement témoigner, observateur attentif de ses semblables et d'une région, la Kabylie, à laquelle il appartient". Cette thèse préparée par Bouba Mohammedi Tabti et dirigée par Christiane Achour sous l'intitulé "Littérature algérienne d'expression française : espace algérien et réalisme romanesque des années 80" a mis en lumière, dans un sous-chapitre, toute l'importance littéraire de l'œuvre de Chabane Ouahioune, et ce, à travers plusieurs aspects, tels que la symbiose des hommes et de la terre, la montagne comme refuge mais incapable de retenir ses enfants, l'exil, ses raisons et ses effets sur les hommes... Chabane Ouahioune n'était pas seulement écrivain. Il était également journaliste et chroniqueur. Métier qu'il entama dans La voix des humbles, le journal des instituteurs du début du 20e siècle. Il était également longtemps lecteur et correcteur aux éditions Sned. Sa passion pour l'écriture, il l'a découvre encore jeune étudiant à la faculté de droit à Alger, où il s'inscrit plusieurs années après avoir interrompu ses études à l'école normale après sa mobilisation pour la Seconde Guerre mondiale. Locataire d'une chambre dans un hôtel d'Alger-Centre, avec un de ses amis, il fait la connaissance de Mouloud Mammeri, alors enseignant au lycée de Ben Aknoun. Mouloud Mammeri lui confie, sitôt écrites, des pages du manuscrit de son premier roman, La Colline oubliée. C'est là qu'il découvre son goût pour l'écriture romanesque et entame son premier roman. Une vocation qu'il n'abandonne qu'à l'âge de 89 ans après la publication de L'Aigle du Rocher. Les habitants de sa région ont eu le réflexe de lui rendre un hommage vendredi dernier, soit moins d'une semaine avant son décès. Samir LESLOUS