La presse française a pris un malin plaisir à tourner en dérision l'image du chef de l'Etat algérien. La visite du Premier ministre français, Manuel Valls, à Alger, marquera certainement un tournant "historique" dans les relations algéro-françaises. Des relations déjà connues pour avoir été constamment tumultueuses et soufflant souvent le chaud et le froid. Précédée par la polémique provoquée par la publication, la veille, du portrait du président Bouteflika, en Une du journal Le Monde, pour illustrer le scandale Panama Papers impliquant, notamment, le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb, cette visite "imposée" par le calendrier de la réunion du comité intergouvernemental de haut niveau allait même être annulée. Néanmoins, elle a fini par avoir lieu malgré son boycott par nombre de médias français qui devaient accompagner la délégation ministérielle de leur pays. Si lors de ses entretiens successifs avec les officiels algériens ou encore à l'occasion de sa conférence de presse conjointement animée par son homologue algérien, Abdelmalek Sellal, le Premier ministre français a joué l'apaisement en minimisant la polémique liée au refus de l'Algérie de délivrer le visa à nombre de journalistes français, aussitôt retourné dans son pays, il twittera, en revanche, sur son compte officiel, ses photos prises lors de son entretien avec le président Bouteflika. Des photos sur lesquelles M. Bouteflika apparaît très fatigué, le regard perdu. Dans un état, on ne peut mieux, plutôt pitoyable, qui constitue une atteinte à l'institution présidentielle. Si le pouvoir ne pouvait rater l'aubaine qui lui offerte à cette occasion, pour mettre sur le devant de la scène le président de la République qui a disparu des écrans depuis quelques mois, il ne s'attendait certainement pas au "buzz" qu'allaient provoquer ces images et sur la Toile et sur les manchettes de journaux et JT des chaînes de télévision, voire certaines radios. Il faut dire que depuis l'entame de son quatrième mandat, en 2014, et outre les sporadiques Conseils des ministres qu'il est contraint de présider, le clan présidentiel ne rate jamais l'occasion de la venue d'officiels étrangers, quel que soit son rang, y compris des modestes édiles, pour montrer le Président au peuple. Est-ce un choix délibéré de M. Valls pour répondre, à sa manière, au rappel à l'ordre du journal Le Monde par le pouvoir algérien ? Est-ce une façon présidée pour répondre aux officiels algériens qui le présentaient comme "le symbole national à ne pas toucher" ? La multitude de commentaires sur les réseaux et les analyses des éditorialistes, des caricaturistes, voire le décryptage de certains humoristes français, en disent long sur l'intention de M. Valls. À titre d'exemple, dans son billet matinal, intitulé "Manu de retour d'Algérie", l'humoriste-chroniqueur de radio France-Inter, Daniel Morin, n'y va pas de main morte (sans vilain jeu de mots), pour décrire un président dans un état dégradant. "Son visage en cire était parfaitement lustré, on aurait dû faire une pub pour le Grévin", a-t-il ironisé. Plus sérieusement, le quotidien français, Le Journal du dimanche (JDD), a, pour sa part, improvisé de lancer une question-sondage sur son site demandant à ses lecteurs de voter par "oui" ou par "non" : "La France doit-t-elle continuer à soutenir le président Bouteflika ?" À l'heure où nous mettons sous presse, ce sondage est négatif à hauteur de "85%". Une chose est sûre : le débat sur l'état de santé de Bouteflika est sérieusement relancé. Farid Abdeladim