Que cache le limogeage des P-DG d'Imetal et de Batimetal ? C'est la grande question que les milieux intéressés se posent depuis la veille du week-end. Pour les plus informés, il dévoile une guerre larvée de prérogatives entre deux porteurs de portefeuilles ministériels. "C'est la conséquence d'une lutte sourde et une guéguerre entre deux ministres de la République", nous révèle une source sûre. Mais de quoi s'agit-il exactement ? "Curieux hasard : que ce soit pour Imetal ou Batimetal, ces deux postes de direction ont été successivement occupés par l'actuel ministre des Transports, en l'occurrence Boudjema Talaï." Ainsi, après avoir dirigé pendant plus de dix ans le groupe industriel Batimetal, Talaï a été désigné, en février 2015, à la tête du nouveau groupe industriel sidérurgie et métallurgie Imetal avant d'être nommé, quelques semaines plus tard, au gouvernement. "Avant de partir, Talaï a pris, néanmoins, le soin de choisir ses deux successeurs... Il jettera d'abord son dévolu sur Mouloud Zerkaoui, son ancien directeur de l'administration et des ressources humaines à Batimetal qu'il réussira à placer, et ensuite sur Kamel Djoudi, ancien cadre dirigeant du groupe Imetal, qui, lui, se présente, d'emblée, comme ‘un ami' du ministre auquel il a succédé." Jusque-là, tout va bien avant que des rapports compromettants ne viennent mettre en cause la gestion de Batimetal, l'une des plus grandes entreprises de réalisation du pays. "Titulaire d'une licence en littérature, Mouloud Zerkaoui devait faire face ainsi au management de quelque 60 filiales...", précise notre source. Sur cette base, Bouchouareb a demandé l'éviction de Zerkaoui, accusé de "mauvaise gestion". Kamel Djoudi, qui avait toujours exécuté jusqu'alors, sans rechigner, les ordres du ministre de l'Industrie et des Mines, comme par exemple le "dégommage" d'une dizaine de patrons d'entreprise, à l'instar de Fondal, de Qatar Steel (projet du complexe sidérurgique de Bellara-Jijel), de TPL, d'Alfapipe ou encore de l'Encc, a refusé, cette fois, de se plier aux desiderata de sa "hiérarchie", un refus d'obtempérer inexpliqué. Même son rapprochement avec le ministre, lors du road-show aux USA organisé par le patron du FCE, Ali Haddad, et auquel il a été convié, ne suffira pas à vaincre ses réticences à destituer Zerkaoui. Il faut dire que Kamel Djoudi, malgré sa proximité avec Talaï, aura accumulé, en un temps très court, plusieurs griefs, notamment en ce qui concerne la rénovation du haut-fourneau du complexe sidérurgique d'El-Hadjar (prévue "au plus tard" fin mars 2015), ainsi que la réorganisation de l'entreprise ArcelorMittal Annaba (prévue "au plus tard fin" décembre 2015), et ce, à la suite de la (re)nationalisation du complexe, deux échéances importantes annoncées, en grande pompe, par le ministre Bouchouareb, lui-même, et qui ne resteront pas moins lettres mortes. Sur le plan de la réorganisation, plusieurs filiales d'Imetal exercent à ce jour sans registre du commerce et sont considérées, de fait, comme hors la loi. C'est pourquoi, les bilans de ces entreprises seront rejetés par les commissaires aux comptes, conformément aux dispositions de la loi. D'après notre source, le dossier de la restructuration d'El-Hadjar (rachat des actions par l'Etat algérien) a été rejeté, à deux reprises, par le conseil des participations de l'Etat présidé par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. "S'agissant d'El-Hadjar, on retrouve, là aussi, la trace de Talaï. Et pour cause, c'est précisément là où notre ministre des Transports a d'abord fait ses armes !" D'abord à l'Ensid (ex-Travaux neufs) puis à Genisider, des filiales de l'ex-groupe Sider aujourd'hui dissous dans Imetal. Par ailleurs, la composante des membres du nouveau conseil d'administration d'"ArcelorMittal Algérie" (une entité qui, en théorie, n'existe plus) n'aurait pas échappé également à l'influence de Talaï, aidé en cela par des supplétifs locaux. "Aucun des heureux élus installés jeudi n'a, pour ainsi dire, de l'expérience dans le secteur de la sidérurgie ni de la métallurgie." Une réserve qui a été, du reste, soulevée, en vain, jeudi, par le président de séance de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires. Mohamed-cherif lachichi