Le masque est tombé et le ministre de la Communication, Hamid Grine, assume, maintenant, publiquement, son chantage à la publicité. Dans un entretien accordé, hier mardi, au journal électronique TSA, le ministre a lâché le morceau : "Je profite de cette tribune pour lancer un appel à tous les annonceurs privés pour leur dire de ne pas contribuer à renflouer les caisses des journaux qui sèment la discorde et qui renvoient une fausse image de l'Algérie." Pour avoir cité nommément trois quotidiens nationaux, le même jour, lors de son passage au forum d'El Moudjahid, on devine facilement de qui il s'agit, en l'occurrence El Watan, Liberté et El Khabar. Cet appel au meurtre, visiblement programmé contre trois géants de la presse libre et indépendante, renvoie, justement, une image hideuse de l'Algérie, surtout lorsque cela vient d'un ministre de la République qui engage l'"Etat" dans des représailles aussi abjectes. Il est de notoriété publique que le pouvoir use de la publicité étatique (le monopole Anep), pour étouffer et exercer son chantage sur la presse algérienne. Une démarche assumée, mais aussi revendiquée depuis que Hamid Grine est à la tête du département de la Communication. Le pouvoir a eu, aussi, à faire pression sur des annonceurs privés pour ne pas accorder de la publicité à certains journaux dont la ligne éditoriale n'est pas sur la bonne ligne, version Grine. Mais jamais cette démarche brejnévienne n'a été assumée ni d'ailleurs revendiquée publiquement. Hier, un 3 mai 2016, Journée mondiale de la liberté de la presse, Hamid Grine en fait part ouvertement. Le comble est que c'est le ministre de la Communication, lui-même, qui apporte de l'eau au moulin des deux quotidiens El Watan et El Khabar, qui avaient dénoncé, dans un passé récent, dans leurs éditions respectives, qu'il a pris attache avec certains de leurs annonceurs pour les priver de publicité. Pas plus tard qu'hier, le directeur général du quotidien El Khabar, Chérif Rezki, affirmait dans le même journal électronique que Hamid Grine "a appelé les annonceurs privés, il y a deux ans, pour leur demander de ne plus donner de publicité à El Khabar". Chérif Rezki a même donné des détails précis sur cette entreprise assassine : "Nous avons les affirmations de ces annonceurs privés qu'on ne peut pas citer car ils ont peur. Hamid Grine leur a dit, à l'époque, que Mohamed Djellab (qui était alors ministre des Finances) était son ami et qu'il pouvait les aider. C'est-à-dire que si vous ne marchez pas, on vous envoie le fisc pour des redressements fiscaux." Ainsi, ce qui n'était hier que soupçon est aujourd'hui certitude, puisque la preuve est donnée noir sur blanc par un ministre de la République. Et quel ministre !... Celui de la Communication qui appelle à tuer financièrement des quotidiens nationaux, le jour même où le monde entier célèbre la liberté de la presse. Après l'ère du musellement, voici donc venu le temps de la "sentence de mort". Et ce génocide médiatique porte désormais une signature, celle de Hamid Grine. Mehdi Mehenni