C'est aujourd'hui peut-être que l'opinion saura quels sont exactement les griefs reprochés à Mehdi Benaïssa, directeur de KBC et gérant de Ness-Prod, Ryad Hartouf, directeur de production de la chaîne TV, et Mme Nora Nedjaï, directrice au ministère de la Culture, tous trois mis sous mandat de dépôt depuis le 23 juin dernier. D'après les échos, le parquet d'Alger reprocherait aux responsables de la chaîne d'avoir déposé un registre du commerce qui ne porterait pas le code de l'activité pour laquelle ils auraient sollicité une autorisation de tournage et d'être ainsi complices de la directrice du ministère de la Culture qui, elle, serait poursuivie, dans cette affaire, pour abus de fonction. Même les avocats de la défense ont évité de s'étaler sur les détails concernant cette affaire qui, jusque-là, était en instruction, se suffisant de demander leur remise en liberté jusqu'à leur jugement, demande qui, au demeurant, a été rejetée. C'est comme si les inculpés étaient soumis à un processus judiciaire occulte, à la fameuse justice de nuit. L'objet même de la censure que tout le monde soupçonne, à savoir le ton satirique de certaines émissions diffusées par cette chaîne durant le mois de Ramadhan, n'a pas échappé à l'opinion même si, officiellement, aucune réprobation à ce sujet n'a été formellement rendue publique. Manifestement, c'est la liberté de ton des talentueux comédiens révélés par ces émissions de divertissement qui n'a pas été appréciée en haut lieu. Le tort de ces humoristes serait d'avoir forcé le trait de ce que les Algériens savaient déjà concernant l'existence d'une élite corrompue et qui, selon cette assertion, accaparerait les richesses nationales. Cette cabale judiciaire dévoile, du reste, les agissements de ce que certains qualifient de véritable "délinquance d'Etat". Cette affaire KBC, qui fera date, aura mis sous les feux de la rampe les responsabilités de chacun. Elle provoquera même un tollé à l'international. L'élan de solidarité avec les détenus de l'affaire KBC s'est traduit notamment par plusieurs rassemblements pacifiques, le lancement de pétitions ainsi qu'une mobilisation sans précédent sur les réseaux sociaux. Les messages de soutien ont fusé de partout à travers le monde. Chez les ONG de défense des droits de l'Homme ou les associations professionnelles, l'indignation est, pour ainsi dire, générale ! Une page entière ne suffirait pas à énumérer les innombrables condamnations de ce qui est considéré véritablement comme une "atteinte à la liberté d'expression". L'ampleur des réactions qui ont suivi ces arrestations médiatiques laissera pourtant de marbre le pouvoir qui, autiste comme à son accoutumée, n'a cure des récriminations d'aucune sorte. Foulant même aux pieds les dispositions de sa nouvelle Constitution qui garantit explicitement "la liberté de la presse écrite, audiovisuelle et sur les réseaux d'information" et qui stipule clairement que "le délit de presse ne peut être sanctionné par une peine privative de liberté", le pouvoir semble vouloir mener, plus que jamais, une guerre déclarée contre toutes les voix discordantes. Mohamed-Chérif Lachichi