La quasi-totalité des politiques et analystes estiment que c'était la personne d'Abdelilah Benkirane qui a bloqué la formation du gouvernement et non le parti dont il est issu. Saâdeddine El-Othmani, l'ex-ministre des Affaires étrangères (de janvier 2012 à octobre 2013) et président du conseil national du Parti de la justice et du développement (PJD), a été nommé hier au poste de Premier ministre, par le roi Mohammed VI, en remplacement d'Abdelilah Benkirane, a annoncé le Palais royal dans un communiqué. L'ex-ministre avait été reçu en début d'après-midi, en audience par le roi, au Palais royal de Casablanca, avaient rapporté les médias marocains. Cette nomination intervient deux jours après le limogeage de M. Benkirane qui s'est montré incapable de former son Exécutif, plongeant pendant presque six mois le pays dans une véritable crise politique, qui a nécessité l'arbitrage du roi lui-même, dans le souci de "dépasser la situation d'immobilisme actuelle", selon le communiqué rendu public mercredi soir par le cabinet royal. "Le roi Mohammed VI, a reçu ce jour, vendredi 18 joumada II 1438 H, correspondant au 17 mars, 2017, au palais royal à Casablanca, Saâd-Eddine Othmani, du Parti de la justice et du développement, et, en vertu de la Constitution, il l'a désigné comme chef du gouvernement, et l'a chargé de former le nouveau gouvernement", lit-on dans le communiqué du ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie. Cette nomination intervient à la veille de la tenue par le parti islamiste PJD d'une session extraordinaire, pour désigner un successeur à son leader Abdelilah Benkirane. Outre M. Othmani, deux autres noms avaient circulé sur la liste des éventuels successeurs de M. Benkirane. Il s'agissait d'Aziz El-Rebah, ministre de l'Equipement et des Transports, et de Mustapha al-Ramid, ministre de la Justice et des Libertés. En réaction à cette nomination, le leader du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Nabil Ben Abdellah, s'est montré satisfait et a affirmé au quotidien Al-Yaoum 24, "souhaiter l'aide de toutes les parties pour dépasser cette situation d'impasse, ce que nous ferons d'ailleurs au sein de notre parti". À la tête du gouvernement depuis 2011, Benkirane avait été reconduit par le roi à son poste au lendemain du scrutin législatif du 7 octobre 2016 remporté une nouvelle fois par le PJD. Mais il n'a pas réussi cette fois-ci à former son gouvernement en raison de l'opposition de l'ex-ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, nouveau patron du Rassemblement national des indépendants (RNI), un parti constitué de technocrates et de notables, qui avait exigé la mise à l'écart du parti de l'Istiqlal. Le RNI avait demandé aussi l'entrée au gouvernement de deux autres formations alliées, ce que le désormais ex-Premier ministre avait refusé catégoriquement. M. Akhannouch, l'une des plus grosses fortunes du continent, que l'on voit souvent aux côtés du roi dans ses voyages officiels, s'est posé comme un nouveau poids lourd de la politique locale et de l'opposition aux islamistes. De fait, la relation entre les deux hommes a vite tourné au bras de fer, plongeant le pays dans une situation d'impasse inédite. Une partie de la presse locale voit en M. Akhannouch une courroie de transmission du Palais dont le but serait de réduire l'influence, voire d'écarter Benkirane, tandis que d'autres médias rejettent la responsabilité du blocage sur le patron du PJD. Lyès Menacer