Le groupe a pourtant investi pendant longtemps dans la construction d'une image d'une entreprise citoyenne, conformément au concept de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). La commission européenne définit la RSE comme "la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu'elles exercent sur la société". La mairie de Paris annonce la fin de son partenariat avec LafargeHolcim dans le cadre de Paris-Plages. La mairie de Paris a ainsi rompu cette collaboration avec le géant industriel franco-suisse qui a financé (indirectement au moins) des groupes armés en Syrie et a même envisagé de participer à la construction du mur du président Tump entre les Etats-Unis et le Mexique. À ce sujet, le journal français Le Figaro rapporte dans son édition du 29 mars 2017 que "le conseil de Paris a annoncé hier qu'il ne souhaitait plus utiliser le sable de LafargeHolcim pour Paris-Plages". La cause de ce désaveu est double. D'une part, les arrangements conclus entre le leader mondial du matériau de construction et des groupes armés pour maintenir, entre 2013 et 2014, l'activité d'une cimenterie en Syrie. D'autre part, le positionnement de Lafarge sur la construction du mur "anti-clandestins" de Donald Trump. "Nous sommes prêts à fournir nos matériaux de construction pour tous types de projets d'infrastructures aux Etats-Unis (...) Nous sommes ici pour servir nos clients et répondre à leurs besoins. Nous ne sommes pas une organisation politique", avait déclaré Eric Olsen, le PDG du cimentier mondial. Les nuances tardives du groupe franco-suisse ne semblent pas convaincre beaucoup de monde. Le groupe a pourtant investi pendant longtemps dans la construction d'une image d'une entreprise citoyenne. Cette démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est un "concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire" (developpement-durable.gouv.fr). La commission européenne définit en 2011 la responsabilité sociétale des entreprises comme "la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu'elles exercent sur la société". En particulier, la norme ISO 26000 nous indique que la responsabilité sociétale des organisations est la responsabilité d'une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l'environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique. Au commencement du scandale Tout est parti de révélations du journal français Le Monde qui avait rapporté que de possibles arrangements avaient lieu avec l'organisation Etat islamique (EI) en 2013 et 2014. Ce deal serait contracté pour faire fonctionner le site de Jalabiya (Lafarge Cement Syria), dans le nord de la Syrie. Une enquête interne dont les résultats ont été publiés le 2 mars dernier a admis de telles pratiques pour assurer la sécurité de la cimenterie entre 2012 et 2014. Elle juge par ailleurs ces arrangements "inacceptables" pour assurer la sécurité d'une cimenterie en Syrie, déchirée par la guerre, entre 2012 et 2014. À cette époque, la filiale syrienne qui appartenait alors à Lafarge (avant la fusion avec Holcim) "a remis des fonds à des tierces parties afin de trouver des arrangements avec un certain nombre de ces groupes armés, dont des tiers visés par des sanctions (Commission européenne)", sans pouvoir établir les destinataires finaux. "Avec du recul, les conditions exigées pour assurer la continuation du fonctionnement de l'usine étaient inacceptables", écrivent les enquêteurs. La campagne pour l'élection présidentielle française n'échappe pas à la polémique sur cette affaire. Jean-Luc Mélenchon, le candidat de La France insoumise à la présidentielle, a réclamé "une décision exemplaire" sur les activités du groupe cimentier en Syrie en pleine guerre. "Je trouve étrange que personne n'ait évoqué le cas de Lafarge, compagnie mondiale de ciment, qui a avoué avoir payé Daech pour pouvoir continuer à produire son foutu ciment", a déclaré M. Mélenchon au cours du débat télévisé réunissant les 11 candidats à la présidentielle française. Très peu lié aux milieux financiers et des affaires, il estime que "cette compagnie doit être ou bien réquisitionnée, ou bien confisquée". Plus modéré, François Fillon, le candidat de la droite traditionnelle (Les Républicains), estime que "si c'est avéré, il faut punir Lafarge". L'une des décisions du groupe pour restaurer sa réputation est l'approbation par les administrateurs, le 4 avril courant, de la création d'un comité d'éthique. Il faut savoir que Lafarge a été l'une des entreprises pionnières de la RSE en France et que, dans cette affaire, le groupe n'a pas seulement la tâche de se défendre contre cet acte mais de sauvegarder un "choix" autour duquel il a construit une image d'acteur d'une démarche de développement durable. "Lafarge est un acteur historique de la RSE qui, avec des dirigeants emblématiques comme Bertrand Collomb, s'est toujours engagé forcément dans une ‘'éthique des affaires'' et a été un soutien aux initiatives de développement durable. Elle a même passé les premiers ‘'contrats de transformation'' avec le WWF (Fonds mondial pour la nature). Cela a été une étape décisive dans la reconstruction des relations des entreprises avec les ONG dans les années 80", explique Patrick d'Humières, expert RSE, directeur master class à la centrale Supelec. "Quand les groupes emblématiques trébuchent, leur responsabilité dépasse leur propre cas" (novethic.fr). La bataille de la réputation du groupe est loin d'être encore gagnée. Un groupe très présent en Algérie Le groupe Lafarge est bien implanté chez nous avec des usines comme celle de M'sila et de Oggaz (wilaya de Mascara) et son partenariat avec le Groupement industriel des ciments d'Algérie (Gica, groupe public). Le géant mondial détient aujourd'hui plus de 50% de la production nationale, sans compter son implication dans le Gica. Le poids qu'il a pris peut se mesurer dans le "dénouement" de la grève de la faim de 16 de ses ex-employés en mars 2014. Les pouvoirs publics et le secrétaire général de l'ex-syndicat unique UGTA ont pris fait et cause pour le groupe industriel. En tout cas, l'implication du groupe Lafarge dans le conflit syrien n'a suscité, jusque-là, que peu de commentaires en Algérie. Il faut savoir que les autorisations d'implantation de cimenteries en Europe deviennent de plus en difficile en raison des pollutions multiples générées par cette industrie, malgré les efforts d'investissements des groupes cimentiers pour compenser les nuisances environnementales induites par leurs activités. Jean-Marc Domange, PDG de Ciments Kercim, observe qu'"il est très difficile d'ouvrir une cimenterie en France. La dernière unité construite remonte aux années 1980. La réglementation impose différentes autorisations. Et il y a la nécessité d'avoir deux carrières à proximité. Au final, cela prend plus de dix ans pour ouvrir une cimenterie" (usinenouvelle.com). En matière de développement durable, il n'y a pas que le traitement arithmétique des bilans des gaz à effet de serre. La qualité de la vie et le respect de la vie elle-même passent avant le reste.