"Je ne commente pas, je ne donne pas d'importance à cela. Je suis plus haut que cela. Nous avons aussitôt déposé plainte", réplique M. Rizou. Les travailleurs de l'Entreprise nationale de distribution et de commercialisation de produits pétroliers (Naftal) ont enclenché hier un mouvement de protestation pour dénoncer la "mauvaise" gestion du P-DG. Au siège de la Direction générale, les employés n'ont pas rejoint leurs bureaux depuis le début de la matinée et se sont regroupés dans la cour principale. Un sentiment à la fois de déception et de mécontentement envahissait l'esprit des protestataires. L'amertume se lit sur leurs visages et les mines étaient défaites à cause d'une nouvelle "déplorable" qui a mis en émoi toute l'entreprise : la découverte d'une vidéo "compromettante" et "indécente" qui circule sur les réseaux sociaux. La vidéo en question est supposée impliquer le P-DG de Naftal. "Avec un tel comportement indigne, le P-DG a souillé l'image de l'entreprise", déclarent tout de go les contestataires rencontrés sur le lieu de leur débrayage. "Nous en avons marre de ses agissements. Nous exigeons son départ immédiat lui et son staff dirigeant", lancent-ils tout en affichant une ire indescriptible. En fait, cette histoire de vidéo n'est, selon eux, que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Outre l'impact négatif, voire préjudiciable, de cette vidéo sur la société, les agents de Naftal dénoncent, en effet, les méthodes "trop controversées" appliquées par le P-DG dans la gérance de cette filiale du groupe Sonatrach. "Injustice, favoritisme, marginalisation de cadres ayant des dizaines d'années dans l'entreprise, des marchés conclus sans le respect de la réglementation en vigueur, des recrutements abusifs inopportuns, des dépenses inutiles...", sont les principaux griefs retenus contre le premier responsable de l'entreprise. "Qu'il recrute en dehors de la société, le problème ne se pose pas. Or, les compétences des cadres recrutés ne se sont pas vérifiées sur le terrain", souligne un employé. Des postes de responsabilité ont été confiés, avoue-t-il, à des gens qui n'ont ni le diplôme requis ni l'expérience nécessaire. Pis, des cadres centraux qui ont la double nationalité, regrette notre source, "ne viennent au bureau que deux ou trois fois par semaine. Les autres jours ils sont... en France" ! Les méthodes classiques suivies traditionnellement par Naftal dans la conclusion des marchés ont été refaites, estime cet employé, six ou sept fois et réadaptées de sorte à servir des intérêts inavoués. "De nombreux marchés ont été attribués de manière illégale, de gré à gré, pour un montant avoisinant les 50 milliards de centimes." L'exemple le plus effarant concerne les marchés dont a bénéficié l'entreprise PWC (Price Waterhouse Coopers), spécialisée dans le conseil. Notre source cite les marchés : conseils et accompagnement sur les systèmes d'information, études de marché et accompagnement sur le réseau stations-services Naftal et prestations hors-fuel et l'accompagnement et mise en application de la nouvelle organisation de l'entreprise (en cours d'attribution). "Ces marchés ont été octroyés à PWC depuis l'arrivée d'un certain K. S., cadre dirigeant à Naftal, en tant que directeur central business et développement. Il se trouve que ce responsable était un employé de PWC pendant 12 ans avant de rejoindre Naftal en décembre 2016", tient à préciser notre source, qui ajoute que le compte de messagerie professionnelle de celui-ci est toujours actif au niveau de PWC. Les règles d'attribution du marché des pneumatiques avec l'entreprise chinoise "Triangle" n'ont pas été respectées, affirme encore notre source. Abordant là, par ailleurs, la situation financière de l'entreprise, cet agent parle d'une chute libre des résultats depuis les deux dernières années. "Les travailleurs ont réellement peur pour leur société", disent à l'unisson les grévistes. Contacté, le P-DG, Hocine Rizou, avoue être "surpris" par cette action de protestation organisée par les travailleurs. Interrogé au sujet de cette vidéo, M. Rizou répond par cette phrase : "Je ne commente pas, je ne donne pas d'importance à cela. Je suis plus haut que cela. Nous avons aussitôt déposé plainte auprès du procureur de la République." Ce n'est donc pas vous sur cette vidéo, M. Rizou, avons-nous insisté : "C'est honteux, c'est scandaleux, je refuse de parler de ces choses", soutient-il. Pour lui, ce mouvement caractérise en réalité la "résistance de certains employés — à qui on a changé de poste — à la mise en œuvre du plan de développement que nous avons tracé à l'horizon 2030 pour l'entreprise". M. Rizou a, dès la prise de ses fonctions, jugé nécessaire de moderniser davantage Naftal. Il a été dégagé une enveloppe de 4 milliards de dollars pour de vastes projets d'investissement, à savoir l'augmentation des capacités de stockage, la rénovation de toutes les stations-services, le GPLC, la fabrication locale des kits de Sirghaz... "Une chose est sûre, explique M. Rizou, sur les 1 600 employés au niveau du siège, seuls 40 d'entre eux ont initié cette contestation, manipulés par 4 meneurs que nous avons identifiés." "Naftal réalise un chiffre d'affaires de 365 milliards de dinars. Et quand vous gérez dans la transparence, vous touchez forcément les intérêts personnels de quelques sphères", commente-t-il. Ailleurs, "dans les 48 wilayas, ce genre d'agitation n'est pas constaté", relève-t-il. Ce n'est pas de l'avis des grévistes qui avancent que les employés du centre de distribution de carburants d'El-Khroub ont tenu le même sit-in. Ce qui risque de perturber le programme de distribution à travers tout le territoire national... B. K.