Les habitants qui, avec des moyens dérisoires, mais avec un remarquable courage, affrontaient les flammes aux côtés des sapeurs-pompiers et des gardes forestiers, n'ont cessé, une semaine durant, de crier à l'abandon. La wilaya de Tizi Ouzou vient de vivre la semaine la plus infernale de ces dernières années. Une semaine durant laquelle un nombre de feux de forêt à donner le vertige est venu compliquer la vie de la population qui faisait déjà face à une grosse canicule doublée d'une crise aiguë d'eau potable. Si durant la journée d'hier un seul incendie,"sans grand danger", a été signalé jusqu'en début d'après-midi à Tamgout, dans la région de Yakourène, selon le directeur de wilaya de la Protection civile, le colonel Brahim Mohamedi, le reste de la semaine qui vient de s'écouler a été tout simplement catastrophique dans la wilaya où, selon les différents bilans de la Protection civile, près de 200 feux de forêt, dont 70 considérés très importants, ont été enregistrés. Quasiment, aucune des localités de la wilaya n'a été épargnée par les flammes qui ont, par endroits, causé d'énormes dégâts. Un pic de 57 incendies en une seule journée, et dont 21 étaient de grande ampleur, a été atteint mercredi 12 juillet dernier. La veille, c'étaient 50 départs de feu. Tout au début de la semaine ils étaient déjà au nombre de 48. Les localités de Matkâas, d'Aït Yahia-Moussa, de Tizi n'Tléta, de Draâ El-Mizan, de M'Kira, d'Iferhounène, de Mechtras, d'Ifigha, de Tizi Rached, d'Oued Ksari, de Timizart et d'Aït Aggouacha, comptent parmi celles qui ont souffert le martyre. À Aït Yahia-Moussa, dans la daïra de Draâ El-Mizan, un homme de 64 ans a perdu la vie en tentant de protéger sa maison. Des habitants de la région ont affirmé qu'une autre victime incommodée par la fumée a également succombé. Selon le bilan quotidien de la Protection civile, deux brûlés et une quinzaine de personnes, dont des sapeurs-pompiers, ont été évacués à l'hôpital après avoir été incommodés par la fumée. Des photos et vidéos qui défilaient sans cesse sur les réseaux sociaux montraient des habitations et des écuries avec leur bétail ravagées par les flammes ainsi que des forêts et de vastes superficies d'arbres fruitiers, notamment des oliviers, réduites en cendres. Le bilan des dégâts humains et matériels n'est pas encore établi nous a affirmé le directeur de wilaya de la Protection civile, mais les dégâts sont déjà là, énormes. Selon des recoupements, ce seraient au moins une cinquantaine d'habitations, une dizaine d'écuries, des milliers d'oliviers et plus d'un millier d'hectares qui ont été détruits en une semaine. Une semaine également marquée par une grosse colère citoyenne. Les habitants qui, avec des moyens dérisoires, mais avec un remarquable courage, affrontaient les flammes aux côtés des sapeurs-pompiers et des gardes forestiers dont les moyens se sont également révélés insuffisants devant l'ampleur de la catastrophe, n'ont cessé, une semaine durant, de crier à l'abandon. Un abandon d'ailleurs dénoncé par le FFS et le RCD. "Complètement livrés à leur sort, les éléments de la Protection civile et les gardes forestiers, auxquels nous rendons un vibrant hommage, ont dû, avec détermination et au péril de leur vie, faire face aux flammes avec des moyens dérisoires", a souligné le RCD dans sa déclaration et dans laquelle il ajoute : "Comme d'habitude, les autorités du pays ont brillé par leur absence comme si le drame qui se déroulait sous leurs yeux ne les concernait pas. Malgré la gravité de la situation, aucun dispositif ni moyen exceptionnel n'ont été déployés." Le FFS a également dénoncé l'incapacité des pouvoirs publics à faire face rapidement aux situations d'urgence après les incendies qui ont ravagé plusieurs régions du pays, particulièrement celles du centre et de Kabylie, faisant plusieurs victimes et des dégâts matériels importants. "Ces événements confirment, malheureusement, que nous sommes face à un pouvoir qui ne dispose pas de mesures souples et pratiques pour la conduite des affaires publiques", a déploré le FFS dans son communiqué. Si, en effet, la Protection civile a déployé tous ses moyens humains et matériels, de jour comme de nuit, pour tenter de venir à bout de ce drame, les autorités administratives nationales sont restées silencieuses. L'installation d'une cellule de veille a été annoncée par la wilaya de Tizi Ouzou, mais pas un mot sur un éventuel déclenchement du plan Orsec dans une situation où c'était même un plan d'urgence exceptionnel qui était nécessaire, selon de nombreux habitants qui ne cessent de se demander pourquoi l'Etat n'a pas mobilisé les gros moyens dont il dispose. Dans chacun de ses communiqués, la Protection civile citait la mobilisation des moyens de l'ANP mais aux yeux des habitants cela restait insuffisant. S'agissant de l'APW de Tizi Ouzou, c'est mercredi prochain qu'elle prévoit de tenir une session extraordinaire pour débattre de cette catastrophe. La population, qui déplore le fait que cette institution n'ait pas exercé de pression sur l'Etat pour agir au moment où la région brûlait en silence, espère, à présent, qu'elle sera défendue pour être classée sinistrée et, en conséquence, obtenir une indemnisation. Samir LESLOUS