En dépit des mises en garde des ONG de défense de droits de l'homme, notamment Amnesty International et HRW, la justice civile marocaine n'a pas changé un iota au verdict de son homologue militaire en prononçant les mêmes peines contre les détenus sahraouis de Gdeim Izik. Ce qui était redouté par les prisonniers sahraouis et leur défense, à savoir une reconduction des peines prononcées par le tribunal militaire en 2013, s'est produit hier à l'aube. En effet, le verdict de la chambre criminelle de la cour d'appel de Salé a condamné les 25 Sahraouis à des peines allant de deux ans de prison à la perpétuité. Après plus de 12 heures de délibération, la cour a condamné huit personnes à la perpétuité, trois à 30 ans de prison, cinq à 25 ans et trois autres à 20 ans, selon l'agence de presse officielle marocaine MAP. Deux autres accusés ont été condamnés à 6 ans et demi et 4 ans de prison, et sont libres depuis hier (mercredi) après avoir purgé leur peine, a indiqué la même source. Deux autres, qui étaient en liberté provisoire, ont été condamnés à deux ans de prison. Ils resteront cependant libres, car ils ont déjà purgé leur peine en préventive. Les 23 condamnés ont le droit de faire appel auprès de la cour de cassation dans un délai de 10 jours. Et pourtant, ce procès, ouvert en décembre 2016 devant une juridiction civile suite aux nombreuses critiques des organisations de défense de droits de l'homme locales et internationales, revêtait un caractère sensible avec en toile de fond le conflit du Sahara occidental. Après le premier procès organisé en 2013 devant un tribunal militaire, les 25 accusés avaient été condamnés à des peines allant de 20 ans de réclusion à la perpétuité, les autorités marocaines ont renvoyé le dossier devant la justice civile. Ce sont les critiques des ONG et des proches des condamnés, et également la réforme de la justice militaire marocaine qui ont motivé la décision de renvoi de l'affaire devant une juridiction civile. Pour rappel, les forces marocaines avaient démantelé, le 8 novembre 2010, par la force ce camp, au sud de Lâayoune, où jusqu'à 15 000 Sahraouis s'étaient installés pour protester contre leurs conditions de vie. Durant le procès, les deux parties ont donné une version radicalement opposée des faits, et les débats se sont parfois déroulés dans une ambiance houleuse, dans la salle d'audience comme aux abords du tribunal. Rappelons qu'à la mi-mai, les accusés et leur défense, dont des avocats étrangers, s'étaient définitivement retirés, refusant de participer à un "simulacre de procès". Les accusés sahraouis n'ont depuis lors plus comparu, et leur défense était assurée par des avocats commis d'office. L'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), partie prenante de la défense, a fustigé un "procès inique", dénonçant en particulier des "aveux signés sous la torture", dont la défense exigeait qu'ils soient écartés. À la veille du verdict, Amnesty International et Human Rights Watch ont appelé à "veiller" à ce que les jugements "ne se fondent pas sur des aveux (...) extorqués sous la torture ou les mauvais traitements lors d'interrogatoires policiers". La justice marocaine n'a pas jugé utile de modifier quoi que ce soit en reconduisant le même verdict.