Le tribunal militaire de Rabat, qui a jugé dernièrement les 24 militants des droits de l'homme sahraouis, ou groupe Gdeim Izik , et prononcé de très lourdes peines contre eux, était un "tribunal d'exception" et leur procès n'était "ni juste, ni équitable", a déclaré jeudi à Rabat l'un des avocats du collectif de la défense. "Le tribunal militaire devant lequel avaient comparu les prévenus des évènements liés au démantèlement du camp de Gdeim Izik, (près d'Al Ayoun au Sahara occidental) était un tribunal d'exception ayant jugé des civils et le procès n'était ni juste ni équitable", a déclaré Me Mohamed Messaoudi dans une conférence de presse au siège de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), quatre jours après la condamnation des militants sahraouis à de sévères peines de prison. Me Messaoudi, accompagné de deux prévenus sahraouis, libérés pour avoir purgé la peine correspondant à la durée de la détention préventive (plus de 27 mois de prison), a notamment relevé que le président du tribunal avait "un pouvoir absolu pour prendre n'importe quelle décision" par rapport au dossier, ajoutant que le procès qui s'est déroulé dans de bonnes conditions dans la forme, "n'était pas juste devant la loi et la justice" dans le fond. Il a, ainsi, rappelé que le tribunal avait refusé l'expertise médicale des accusés ayant fait état de traitements inhumains et d'actes de torture et refusé l'audition de témoins dans un procès où "les preuves à charges étaient absentes". Il a, ensuite, souligné que le procès ainsi que le verdict du tribunal, avaient été dénoncés par plusieurs organisations internationales des droits de l'homme, dont Amnesty international et Human rights watch qui ont condamné la comparution de civils devant un tribunal militaire. Pourvoi en cassation Me Messaoudi a, par la suite, annoncé que le collectif d'avocats, ainsi que les accusés, avaient introduit un pourvoi en cassation contre le verdict du tribunal qui a "choqué" la défense. Selon lui, trois cas se présentent devant la cour de cassation : rejeter la demande du pourvoi, refaire le procès devant un tribunal militaire ou décider d'un nouveau procès devant un tribunal civil. Auparavant, les deux prévenus remis en liberté, en l'occurrence Abderrahmane Zayou et Taki El-Machdoufi, ont relaté à l'assistance les circonstances de leur arrestation et les conditions de leur détention, notamment les traitements qu'ils ont subis dans la prison. Concernant le procès, ils ont considéré que celui-ci "n'était pas juste", puisque le tribunal militaire n'avait pas, selon eux, compétence à juger des civils, en insistant sur l'absence de preuves quant aux charges qui pesaient sur eux. Après avoir indiqué que les mis en cause avaient rejeté tous les chefs d'accusation, ils se sont demandés pourquoi ils ont été libérés, alors que les autres accusés, qui sont innocents, demeuraient en prison. Par ailleurs, dans son introduction à cette conférence de presse, Khadija Ryadi, présidente de l'AMDH a rappelé que son organisation avait suivi de près ce dossier depuis le démantèlement du camp sahraoui et qu'elle avait dénoncé les arrestations des 24 Sahraouis, les conditions de leur incarcération et condamné leur comparution devant un tribunal militaire, ainsi que la longue période de détention contraire au droit pénal marocain qui fixe la durée légale de la détention provisoire à douze mois. Le tribunal militaire de Rabat avait condamné, dimanche dernier, neuf prévenus sahraouis à la réclusion à perpétuité, quatre à 30 ans de prison, huit à 25 ans, deux à 20 ans d'emprisonnement et deux autres à la peine correspondant à la durée de la détention préventive qui a duré 27 mois. Les mis en cause avaient été incarcérés depuis les évènements du camp de Gdeim Izik où des milliers de Sahraouis avaient, à l'automne 2010, mis en place un camp de 3.000 tentes pour défendre pacifiquement leurs droits politiques, économiques et sociaux. Les 24 Sahraouis étaient notamment accusés d'"atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, formation d'une bande criminelle et atteinte aux fonctionnaires publics dans le cadre de l'exercice de leur fonction". Après les lourdes peines infligées à leur encontre, des ONG, des associations, des fondations militant pour les droits de l'homme, ainsi que des syndicats et des intellectuels ont dénoncé le verdict prononcé par le tribunal et exigé une véritable enquête sur les évènements qui ont lieu lors du démantèlement du camp, le 8 novembre 2010, où il y eu mort d'hommes. Un rassemblement de militants des droits de l'homme et de partis politiques est prévu le 27 février prochain à Paris pour exiger leur libération.