La seconde édition du prix Ali-Bey-Boudoukha a consacré le journaliste Tarek Hafid pour son article "Industrie du phosphate : un engagement de 15 milliards de dollars avec une entreprise fantôme", paru dans la quotidien Le Soir d'Algérie, et "Reggane : le blues de la Gerboise bleue", des journalistes Rabah Gasti et Mouloud Fater, paru dans le quotidien Liberté. La cérémonie de remise des prix a eu lieu mercredi soir à Cheraga (Alger). Le premier lauréat a reçu un chèque de 400 000 DA et les seconds un chèque de 50 000 DA chacun. Le prix est organisé par l'Agence Interface Médias et le journal électronique Maghreb Emergent. L'enquête du journaliste Tarek Hafid "Industrie du phosphate : un engagement de 15 milliards de dollars avec une entreprise fantôme" (in Le Soir d'Algérie, 30 mai 2017) révèle les dessous de la signature d'un protocole d'accord entre le P-DG du groupe algérien Asmidal et la holding saoudienne Radyolla, une entreprise fictive d'un certain Abdulaziz al-Deghaiter. L'article de Tarek Hafid a été récompensé car "se rapprochant le plus des techniques d'investigation, en tentant de consulter plusieurs sources et plusieurs spécialistes, tout en révélant des faits inédits", ont argumenté les jurés. Tarek Hafid, dira, par ailleurs, en marge de la cérémonie, "être très heureux de recevoir ce prix de la part de journalistes et de gens du métier", tout en déplorant la situation du journalisme d'investigation en Algérie, qui pâtit, selon lui, d'une absence de "formation et de moyens". Le travail des deuxièmes lauréats, qui ont consacré un dossier aux ravages des essais nucléaires français dans cette commune de la wilaya d'Adrar, a, quant a lui, été qualifié par les membres du jury comme étant "un reportage d'une grande sensibilité, qui reste cependant loin de l'esprit du travail d'investigation". Par ailleurs, le président du jury, Lotfi Madani, dira dans son allocution devant un parterre de journalistes que cette édition a connu moins de participations qu'en 2014, avec seulement "six candidats considérés comme éligibles". Un manque d'engouement que l'ancien journaliste de la Chaîne III impute au "contexte général de la profession". "Pour faire de l'investigation, il faut un accès libre à l'information", lancera-t-il. Tout en regrettant que "la protection des sources d'information du journaliste, sa protection à l'égard des intimidations du pouvoir politique, économique, des attaques judiciaires, et la mise à disposition de moyens matériels et humains ne soient pas encore réunies pour permettre à ce genre journalistique de prendre de l'importance." El-Kadi Ihsane, directeur de Maghreb Emergent, insistera, pour sa part, sur la nécessité de récompenser le journalisme d'investigation, en déclarant : "Aujourd'hui, un prix qui récompense le meilleur article d'investigation, qui essaye de faire réfléchir la presse sur la pratique de l'enquête est devenu quelque chose de nécessaire." Et de poursuivre : "Tous les jours, nous voyons qu'il y a un besoin de consacrer du temps et des moyens dans les rédactions pour essayer d'en savoir plus et apporter de la transparence à la vie publique." Yasmine Azzouz