Où trouvera-t-il l'argent pour financer le logement, l'éducation, la santé, les importations, ainsi que le développement de la PME ? Malgré les difficultés économiques et financières auxquelles est confronté le pays à cause de la chute des prix du pétrole, l'Algérie n'aura pas recours à l'endettement extérieur, a affirmé, dimanche, le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune. Le Premier ministre, qui s'exprimait lors de la réunion préparatoire de la prochaine tripartite (gouvernement-patronat-syndicats), a précisé qu'"il est hors de question de recourir à l'endettement extérieur, et nous ne voulons même pas y penser. Nous refusons d'hypothéquer notre souveraineté quelle que soit la situation, et ce sont là les instructions du président de la République". "Face aux déséquilibres macroéconomiques dans le contexte du recul des recettes pétrolières, nous allons compter sur nos capacités, qu'elles soient petites ou grandes", a-t-il ajouté. En fait, le Premier ministre ne fait que réaffirmer les positions du président de la République sur le sujet. Lors de la réunion du Conseil des ministres, tenue le 14 juin dernier, le président de la République a été catégorique : "Il faut éviter le recours à l'endettement extérieur". Le gouvernement semble clore définitivement cette option alors qu'elle était largement évoquée en 2016. Depuis l'avènement de la crise pétrolière et ses conséquences sur les ressources publiques, cette alternative revenait sur toutes les lèvres. Depuis, un débat est engagé entre un gouvernement indécis et des experts et autres politiques qui mettent en garde contre une telle option. De l'avis de nombreux spécialistes, l'Algérie, accablée par la chute des prix des hydrocarbures, entraînant un déséquilibre budgétaire, une fonte drastique des réserves de change et un recul considérable de la croissance avec, en prime, un programme ambitieux de transition énergétique et d'une stratégie lourde de relance et de diversification de l'économie nationale, n'avait d'autre choix que d'aller vers l'endettement extérieur. Même le gouvernement, après avoir essayé, sans résultats, des dispositifs visant à pallier la rareté des ressources financières, à travers l'emprunt obligataire et la mise en conformité volontaire, avait été amené à valider le choix du financement extérieur. En l'actant dans la loi de finances 2017, le gouvernement s'est inscrit dans une logique d'endettement extérieur via le financement du projet du grand port de Cherchell et le prêt de 900 millions d'euros contracté auprès de la Banque africaine de développement. Au final, ce qui était tabou en 2015, et qui s'est banalisé en 2016, a fini par redevenir un tabou en 2017. Face aux déséquilibres macroéconomiques dans le contexte du recul des recettes pétrolières, le Premier ministre préconise de "compter sur nos capacités, qu'elles soient petites ou grandes". Tout en reconnaissant la "situation tendue", Abdelmadjid Tebboune affirme que "l'Etat dispose de moyens matériels lui permettant de continuer à financer les projets de développement prioritaires, notamment en matière de logement, de santé, d'enseignement, à payer les salaires et à importer à hauteur de 35 milliards de dollars par an". Le niet du gouvernement à l'endettement extérieur et le resserrement des liquidités dans le secteur bancaire laissent entrevoir qu'il sera plus difficile que par le passé de financer le déficit budgétaire. Le Fonds de régulation des recettes, utilisé jusque-là pour combler le déficit, est épuisé. Selon le Premier ministre, "l'ambition de l'Algérie est beaucoup plus grande puisqu'elle vise à être, le plus rapidement possible, au diapason des pays émergents par la mise en place d'une économie intégrée". Mais cela nécessite indéniablement des investissements à la hauteur de cette ambition. Abdelmadjid Tebboune a évoqué des mesures pour récupérer les fonds du marché parallèle. Mais là aussi, l'expérience a montré ses limites en dépit de mesures successives prises pour récupérer cette manne. Saïd Smati