C'est le jour J pour les Kurdes irakiens, qui se sont retrouvés face à leurs responsabilités, dimanche, avec le maintien de ce référendum sur l'indépendance de cette région autonome d'Irak. Malgré le rejet d'une bonne partie de la communauté internationale et les menaces de représailles émanant de Bagdad, Ankara et Téhéran, cinq millions et demi de Kurdes irakiens se rendront aujourd'hui aux urnes pour déterminer leur avenir. Ils sont appelés à voter dans les 3 gouvernorats qui forment depuis 2003 la région autonome du Kurdistan, mais aussi dans les territoires que se disputent les Kurdes et les autorités de Bagdad, comme la riche province pétrolière de Kirkouk. Faisant pression pour empêcher la tenue de ce référendum, qualifié d'illégitime par le gouvernement d'Ankara, l'Iran, l'Irak, la Turquie avaient appelé, jeudi dernier, les autorités du Kurdistan irakien à l'annuler, faute de quoi ils envisageront de se concerter sur des mesures de rétorsion. Ce sont les Turcs qui ont été les plus menaçants en affirmant que leur réponse aura des volets diplomatique, politique sécuritaire et économique, pendant que leur armée intensifiait ses manœuvres à la frontière. Téhéran a suspendu, hier, tous ses vols en direction du Kurdistan irakien à la demande de Bagdad. À Souleimaniyeh, la seconde ville du Kurdistan contrôlée par l'Union patriotique du Kurdistan de l'ancien président irakien Jalal Talabani, les rivaux de Massoud Barzani, l'enthousiasme est moins grand en faveur de ce référendum. "Demain, je voterai non, car j'ai peur d'un embargo sur la région, d'une guerre civile avec (l'organisation paramilitaire majoritairement chiite) Hachd al-Chaabi et de me réveiller pour voir des soldats turcs patrouiller dans la région", explique Kamiran Anouar, un enseignant de 30 ans. Mais le point le plus sensible reste Kirkouk. Après la ruée, samedi, sur les produits alimentaires, tout était calme hier. Dans les rues, les drapeaux kurdes se mélangeaient à ceux de la célébration chiite d'Achoura, avec les figures des deux imams Hussein et Ali. L'UPK a proposé, samedi, à Massoud Barzani de ne pas organiser de scrutin à Kirkouk et dans les régions disputées pour ne pas mettre le feu aux poudres. Kirkouk, où se côtoient Kurdes, Arabes et Turkmènes, est une zone disputée par le gouvernement de Bagdad et les Kurdes d'Irak. Ces derniers affirment qu'elle leur revient historiquement, arguant que l'ancien dictateur Saddam Hussein les en a chassés et les a remplacés par des Arabes. Les menaces se font, par ailleurs, de plus en plus fortes à l'intérieur de l'Irak contre le référendum. Le chef des forces paramilitaires du Hachd al-Chaabi, Faleh al-Fayad, a affirmé que "cela coûterait cher à ceux qui ont organisé ce référendum", avant d'ajouter que "c'est une action provocatrice qui va détruire les relations entre Arabes et Kurdes". Par ailleurs, les Etats-Unis, le Conseil de sécurité de l'ONU et de nombreux pays occidentaux et de la région ont appelé aussi à repousser ou annuler le référendum, estimant qu'il entravera la lutte contre l'EI, qui tient encore deux bastions en Irak. Merzak Tigrine