Les Kurdes irakiens se rendaient aux urnes, hier, pour se prononcer sur l'indépendance du Kurdistan, en dépit de vives oppositions de Baghdad et d'autres pays. A Kirkouk, des accrochages ont eu lieu, alors que la Turquie promet des mesures contre les Kurdes. Le Parlement irakien a exigé l'envoi de l'armée dans les zones disputées que les forces kurdes occupent depuis l'invasion américaine de 2003 et la chute de Saddam Hussein, en réaction à la tenue de l'élection d'indépendance au Kurdistan. «Le Parlement exige du commandant en chef de l'armée [le Premier ministre Haïder al-Abadi] de déployer des forces dans toutes les zones contrôlées par la région autonome du Kurdistan [irakien] depuis 2003», selon la résolution votée par le Parlement. Les zones disputées sont en dehors des provinces du nord de l'Irak qui font partie initialement de la région autonome du Kurdistan. Ces régions disputées sont la riche province pétrolière de Kirkouk, et des secteurs de celle de Ninive, dans le nord du pays, de Dyala et de Salaheddine, au nord de Baghdad. La plupart ont été conquises par les peshmergas, les combattants kurdes, en 2014, à la faveur du chaos qui a régné dans le pays après l'offensive des djihadistes du groupe terroriste Daech. L'Iran qui a annulé les vols à destination du Kurdistan a noté qu'il ne fermait pas sa frontière terrestre. Tasnim News note que la compagnie aérienne nationale du Qatar a, dans un texte, noté l'annulation des vols en partance et en direction des aéroports de Souleimaniye et d'Erbil pour dimanche et lundi, durant le déroulement de l'élection sur l'indépendance du Kurdistan irakien. Téhéran a noté que tous les vols de l'Iran en direction des aéroports de Souleimaniye et d'Erbil ainsi que tous les vols en partance de la région du Kurdistan irakien et traversant l'espace aérien iranien ont été suspendus. Le président turc Recep Tayyib Erdogan et le chef d'état-major turc Hulusi Akar se rendront en Iran pour discuter de l'élection sur l'indépendance du Kurdistan irakien d'hier. Dans une dépêche, la chaîne d'information saoudienne Al-Hadath, citant le Premier ministre turc Binali Yildirim, vient d'annoncer qu'Ankara ne reconnaîtra pas l'indépendance du Kurdistan irakien. Yildirim a également fait part d'une visite imminente en Iran du président Erdogan et du chef d'état-major du pays, Hulusi Akar, pour discuter avec les autorités iraniennes du référendum sur l'indépendance du Kurdistan irakien. Les Kurdes d'Irak ont commencé à voter hier pour leur indépendance lors d'un référendum historique qui doit ouvrir la voie à un Etat pour lequel ils luttent depuis près d'un siècle. Le scrutin, initié par le Président kurde Massoud Barzani - qui a déjà voté - se tient non seulement dans la région autonome du Kurdistan (nord de l'Irak), qui comprend les provinces d'Erbil, Souleimaniyeh et Dohouk, mais aussi dans des zones que se disputent les Kurdes et le gouvernement central irakien. L'élection constitue toutefois un pari risqué car le Premier ministre irakien a clairement fait savoir qu'il prendrait les mesures nécessaires pour préserver l'unité du pays. Inquiets de voir leurs minorités kurdes suivre cet exemple, des pays voisins comme la Turquie et l'Iran ont aussi menacé de représailles. Les bureaux de vote seront ouverts de 8h00 heure locale (05h00 GMT) à 18h00 (15h00 GMT) pour permettre aux 5 375 000 inscrits de se prononcer. Au total, 12 072 bureaux de vote ont été installés, tant dans la région autonome du Kurdistan que dans les régions litigieuses. Ainsi, dans la riche province pétrolière de Kirkouk et dans celle de Ninive, dans le nord du pays, comme dans celles de Dyala et de Salaheddine, au nord de Baghdad, plus de deux millions d'électeurs sont appelés à se rendre dans les 4869 bureaux de vote, selon la commission électorale. L'arrêt des transactions pétrolières L'arrêt des transactions pétrolières avec le Kurdistan irakien, demandé par Baghdad comme mesure de rétorsion à la tenue, hier, du référendum d'indépendance dans cette province autonome, dépend essentiellement de la Turquie. Ankara est en effet le premier concerné puisque 550.000 des 600.000 barils/jour produits par le Kurdistan irakien sont exportés via Ceyhan, au sud de la Turquie. La Turquie peut donc fermer l'oléoduc qui relie l'Irak à Ceyhan, où les dépôts de brut construits dans les années 1980 ont appartenu à Baghdad avant que le gouvernement autonome kurde ne mette la main dessus en 2014. Selon un texte de la Banque mondiale, ces revenus pétroliers représentent l'essentiel des ressources du Kurdistan irakien, qui n'a pas su diversifier ses ressources. Sur son flanc est, l'Iran a fermé lundi sa frontière terrestre par laquelle était acheminé le fioul kurde vers les marchés du Golfe. Avec la fermeture de Ceylan, le Kurdistan irakien se retrouverait donc asphyxié économiquement. Mais, même si Ankara est vent debout contre le référendum et souhaite montrer ses muscles, il n'est pas certain qu'il veuille pour autant cesser de profiter de ce juteux commerce. La question n'est pas de pouvoir mais de vouloir. Jusqu'à quel point la Turquie est-elle prête à aller pour empêcher qu'il y ait un Etat kurde à ses frontières ? s'interroge Ruba Husari, experte du pétrole irakien