"Patrimoine mutilés" (éditions Erick Bonnier), est le dernier ouvrage de Mounir Bouchenaki. A cette occasion, l'auteur a présenté son livre au Centre culturel algérien de Paris, où il a évoqué le désastre des destructions causées au patrimoine de l'humanité par les conflits internationaux ou internes qui secouent le monde. "Trésors de l'humanité défigurés par la folie des hommes" : ce sous-titre énonce le thème de Patrimoines mutilés de Mounir Bouchenaki. Cri d'alarme de cet archéologue, enfant de Tlemcen, ancien haut fonctionnaire en Algérie et à l'Unesco, pour sauver ce qui reste du patrimoine de l'humanité. Le public de la salle de conférences du Centre culturel algérien de Paris où Mounir Bouchenaki a récemment présenté son livre, a été frappé par l'ampleur du désastre des destructions causées à ce patrimoine par les conflits internationaux ou internes qui secouent le monde. L'ouvrage démarre sur des "breaking news" rapportant des dégradations de patrimoines enregistrées aux quatre coins du monde : Tambouctou, au Mali, d'abord. "Aqmi et Ançar Eddine détruisent plus de la moitié des mausolées de cette ville, construits en terre nue. La cité est célèbre pour son université islamique et ses centaines de milliers de manuscrits dont certains datent du Moyen-Âge. La Cour pénale internationale qualifiera ces faits de crimes de guerre". À Mossoul, en Irak, "Daech a détruit à l'explosif la mosquée recelant le tombeau du prophète Jonas, vénéré par les trois religions du Livre comme fils d'Adam et Ève, par pur fanatisme iconoclaste". Qui ne se souvient de Palmyre, site antique de Syrie, saccagé par Daech ? Malgré des mises en garde internationales, il sera finalement gravement endommagé par les terroristes en août 2015. L'auteur rappelle que le patrimoine a toujours souffert des conflits, comme à Saint-Pétersbourg (Russie) et Dresde (Allemagne) durant la Seconde Guerre mondiale. Il citera des exemples plus récents comme l'Afghanistan où des terroristes ont dynamité en direct les bouddhas de Bamiyan. Pourtant, l'Unesco et de nombreux pays avaient essayé de négocier avec les taliban pour épargner ce patrimoine millénaire. Rien n'y fit, le fanatisme étant l'ennemi de la raison, les bouddhas seront finalement détruits. La folie des hommes transcende les continents et les cultures : partout, au Cambodge, au Liban, en Libye et ailleurs, des patrimoines inestimables sont pris pour cibles. Mounir Bouchnaki dénonce ces actes barbares et souligne les efforts de l'Unesco pour limiter les dégâts et sauver ce qui peut encore l'être. Lui-même responsable puis conseiller auprès de cette institution internationale, il a parcouru des théâtres de guerre ou d'après-guerre pour apporter son témoignage, dresser l'état des lieux et faire entreprendre des initiatives de sauvegarde et de restauration du patrimoine endommagé. De son livre transparaît le souci permanent de montrer que l'Unesco n'a pas été inactive face à cette déferlante destructrice, bien que son action fût limitée par les situations de guerre qui rendent dangereux les déplacements sur le terrain. Les atteintes au patrimoine sont-elles exclusivement du fait des conflits ? Mounir Bouchenaki évoque aussi les pillages de sites archéologiques à travers le monde, encouragés par la passivité, l'incapacité ou parfois la complicité de certains Etats. Durant le débat au CCA, un intervenant a voulu savoir quelles étaient les mesures de protection du patrimoine archéologique algérien. Mounir Bouchenaki a rappelé, à titre d'exemple, l'action menée à l'époque par le ministère de la Culture pour stopper l'invasion des sites historiques de Tipasa par l'urbanisation et le béton des complexes touristiques. Le conférencier appelle la société à s'intéresser à ce patrimoine très utile pour l'économie de l'après-pétrole dans laquelle le tourisme jouera un rôle prépondérant. Il évoque enfin une prise de conscience mondiale qui se traduit par des déclarations et des traités internationaux relatifs à la protection du patrimoine de l'humanité. La raison l'emportera-t-elle sur la "folie des hommes" ? De Paris : Ali Bedrici Patrimoines mutilés, de Mounir Bouchenaki, Editions Erick Bonnier, 257 pages 2017.