Résumé : Malgré sa forte personnalité, Anissa flanche devant la violence de son époux. Ce dernier l'agresse et impose sa dictature. Elle est horrifiée à l'idée de devoir le supporter pour le restant de ses jours. Sa belle-mère tente de minimiser les dégâts. La vieille Zahia prend quelques légumes du frigidaire et les dépose sur la table avant de se mettre à les éplucher. Elle ne savait quoi répondre à Anissa, qui s'était levée pour mettre un peu d'ordre dans la cuisine. -Mourad est quelqu'un qui n'aime pas qu'on lui tienne tête. Avec une femme telle que toi, il aura fort à faire, et c'est tant mieux. Il a de tout temps fait à sa guise, et maintenant il doit assumer son choix. Elle soupire. -À vrai dire, son père voulait le marier pour le stabiliser. Lorsqu'il lui avait parlé de toi et dévoilé que tu étais une femme active, il a semblé plutôt soulagé. Nous vivons modestement avec la petite pension de mon mari, et le salaire de Mourad nous permet de joindre les deux bouts. Comme tu le vois, nous habitons depuis des longues années dans ce quartier populaire, et nous avons dû réaménager notre deux-pièces-cuisine pour avoir un peu d'espace. Pour cela, nous avons sacrifié la salle de bains qui est devenue la petite chambre que je partage avec ma mère. Ton beau-père dort sur la banquette du salon et Mourad a sa chambre. Je voulais que mon fils ait ce qu'il y a de mieux dans ce monde. Elle secoue la tête. -Il n'était pas comme ça, mon fils. Non. Il n'était pas comme ça. Elle relève les yeux vers Anissa, qui l'écoutait silencieusement, puis poursuit : -C'était un enfant doux et très gentil qui avait de bonnes notes à l'école, et j'en étais très fière, mais il a fallu qu'il fréquente quelques énergumènes de la basse catégorie pour se transformer en un être rustre et coléreux. Le mauvais œil des voisines n'est pas non plus à écarter. Elle soupire. -Mourad n'est plus l'homme qu'il était et tu peux me croire. Anissa essuie ses larmes. -Alors pourquoi m'avoir choisi moi, pour essuyer ses colères et son mauvais caractère ? Zahia hausse les épaules. -Je n'ai rien choisi. Son père s'était chargé de tout. -Il était déjà divorcé, et on voulait aussi me cacher ça. La vieille femme dépose son couteau. -Non. Nous n'avons rien caché. J'ai bien dévoilé à ta mère que mon fils s'était déjà marié deux fois. Mais ses deux ménages n'avaient duré que quelques mois. -Deux fois ! Mourad a divorcé deux fois ?! -Oui. Ta maman ne te l'a pas dit ? Anissa reprend lentement son souffle. -Non. Personne ne me l'a dit. -Alors, il faudra en incriminer ta propre mère. -J'avais déjà signifié à ton fils que notre mariage serait un fiasco, et qu'on ferait mieux de l'annuler. -Mais il a refusé bien sûr. -Oui, et je me demande pourquoi. -Parce que tu lui plaisais. Et tes parents étaient aussi pressés de te caser. Alors... Anissa refoule ses larmes. C'était la réalité. Tout le monde était complice dans son malheur. Elle soupire et quitte la cuisine pour se diriger vers sa chambre. Le pyjama de Mourad traînait sur le lit. Elle le ramasse d'une main rageuse et le lance à l'autre bout de sa chambre, avant de se jeter contre ses oreillers, pour donner libre cours à sa crise de larmes qui dura bien longtemps.