L'Union nationale des étudiants algériens de France (Uneaf) se mobilise avec d'autres organisations estudiantines pour faire avorter ce projet qualifié de discriminatoire. La France donne d'une main ce qu'elle reprend de l'autre. C'est en tout cas l'esprit dans lequel le projet d'accueil des étudiants étrangers, extracommunautaires a été conçu par le gouvernement. Ses contours ont été révélés, lundi, par le Premier ministre, Edouard Philippe, qui a annoncé la facilitation de la venue des étudiants, grâce à l'assouplissement des démarches de visas et l'octroi de bourses et, en même temps, l'augmentation vertigineuse des frais d'inscription dans les universités. "La stratégie Bienvenue en France, c'est d'augmenter le nombre d'étudiants accueillis dans nos universités et dans nos écoles et faire financer les bourses des moins fortunés et des plus méritants en faisant payer les étudiants étrangers qui ont les moyens", a-t-il indiqué à l'ouverture des rencontres universitaires de la francophonie, à Paris. Le gouvernement compte augmenter les tarifs d'inscription dès la rentrée universitaire prochaine. Les frais sont très conséquents. Ils s'élèveront à 2 770 euros pour une licence contre 170 euros actuellement et à 3 770 pour le master et le doctorat contre respectivement 243 pour le premier et 380 pour le second. Les étudiants algériens de France, qui forment la troisième plus grande communauté estudiantine étrangère dans le pays (30 000 cette année), ont réagi violemment à l'annonce du gouvernement. Mohamed Bouzid, président de l'Union des étudiants algériens de France (Uneaf) de l'uiversité Paris-13, que nous avons joint hier, se dit scandalisé. Il évoque "une décision honteuse", qui va renforcer la précarité des étudiants. Dans un communiqué, l'Uneaf estime que la hausse programmée des tarifs d'inscription est, en outre, discriminatoire car elle ne concerne que les étudiants issus de pays qui ne font pas partie de l'Union européenne. Plusieurs étudiants algériens ont, par ailleurs, très mal réagi sur les réseaux sociaux dès lundi. L'un d'eux est Billal Latbi, ancien président de l'Uneaf. S'exprimant à titre personnel et en qualité d'étudiant, il s'élève contre un projet de "sélection sociale" des étudiants étrangers. Selon lui, l'augmentation des frais de scolarité va se répercuter encore plus durement sur nos compatriotes. Une forte mobilisation sera prévue prochainement après concertation avec les différentes sections locales de l'UEAF et de ses partenaires. "Les Algériens choisissaient jusque-là la France parce que les frais d'inscription étaient abordables. Désormais, beaucoup se poseront la question de savoir s'ils auront toujours la possibilité de rester dans le pays pour y poursuivre leurs études. Mais il est clair que la majorité ne pourra pas s'offrir le luxe de payer des frais onéreux chaque année. La porte va se refermer, par ailleurs, devant beaucoup d'étudiants qui sont encore en Algérie et qui veulent s'inscrire dans les universités françaises, car il faut savoir que la plupart viennent des classes populaires et jusqu'à maintenant, la France était pour eux un rêve réalisable", déplore Billal Latbi. Pour l'ancien syndicaliste, les intentions du gouvernement français sont claires. Celui-ci veut, selon lui, "financer l'enseignement supérieur en France en puisant dans les poches des étudiant étrangers". Billal Latbi estime, en outre, que le renforcement du programme des bourses annoncé par le Premier ministre est "de la poudre aux yeux", car il ne bénéficiera qu'à une petite minorité. "Les étudiants étrangers rapportent 4,7 milliards d'euros à la France. Malgré cela, leur situation ne s'est toujours pas améliorée : accueil inexistant, manque d'encadrement, problèmes de logement, précarité sociale, etc.", s'indigne notre interlocuteur. Comme d'autres étudiants, il a relayé une pétition pour demander au gouvernement français d'annuler son projet de hausse des frais de scolarité pour les étudiants extracommunautaires. Cette pétition sponsorisée par l'Union des étudiants de France (Unef) et beaucoup d'autres associations estudiantines a recueilli, hier, en milieu de journée, près de 6 000 signatures. Son initiateur, Youcef Fellah, a interpellé directement le président Emmanuel Macron, le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre de l'Enseignement supérieur Dominique Vidal. "Avec des frais d'inscription aussi élevés, qui s'ajouteraient à l'ensemble des coûts déjà très élevés que nous devons payer (coût du dépôt de dossier à campus France, 75 à 200 euros en fonction des pays pour le test de français, 79 à 269 euros pour le timbre fiscal nécessaire au titre de séjour, 90 euros pour la CVEC (Contribution vie étudiante et de campus, ndlr), logement, transport, prix des manuels…), je n'aurais jamais pu venir étudier en France", a-t-il écrit, demandant un traitement juste et équitable de tous les étudiants, sous le slogan "Mêmes études, mêmes droits". De Paris : Samia Lokmane-Khelil