Dans un second courrier "complémentaire" adressé, moins de 24 heures après, aux mêmes destinataires, il précise que les présidents d'APC ne sont pas concernés par l'instruction. Quelle mouche a donc piqué le wali de Tizi Ouzou, Abdelhakim Chater, pour adresser, aux présidents d'APC une instruction restreignant leurs déplacements à l'intérieur et à l'extérieur de la wilaya pour ensuite procéder à son annulation moins de 24 heures après. Dans sa première instruction, adressée, dimanche, sous la référence 3787/CAB/2018, aux chefs de daïra et aux présidents d'APC de la wilaya, le chef de l'exécutif a enjoint formellement à ces derniers que désormais "les déplacements des présidents des Assemblées populaires communales à l'intérieur de la wilaya sont soumis à un ordre de mission qui doit être signé par le chef de daïra de sa circonscription administrative" et que pour "les déplacements en dehors de la wilaya, les P/APC sont tenus de formuler leur demande quarante-huit heures avant auprès de mes services". Les chefs de daïra qui ont été chargés de transmettre le courrier aux P/APC étaient eux également concernés par cette fameuse instruction puisque le wali a pris bien soin de noter que "quant aux chefs de daïra, tous leurs déplacements en dehors de leurs circonscriptions administratives sont soumis à un ordre de mission préalablement établi par mes services". À travers cette instruction, pour le moins étrange, le wali a expliqué vouloir "rétablir la discipline générale et le cadre réglementaire inhérents aux déplacements", et ce, a-t-il motivé, après avoir eu "à remarquer et à constater que les déplacements des différents responsables en exercice sur le territoire de la wilaya s'effectuent sans programmation préalable, voire sans ordre de mission réel et réglementaire". Ceci les expose en premier lieu, selon les arguments mis en avant par le wali, "aux aléas et divers risques encourus sur le trajet". Mais pas seulement puisque, est-il écrit dans le texte de l'instruction, ceci "perturbe le fonctionnement normal des services et des institutions publics". "Cette manière d'agir, en plus de son irrégularité, entache le cadre disciplinaire général qui préside à la Fonction publique et à la bienséance se devra d'être bannie des comportements des commis de l'Etat et de ses démembrements ainsi que du service public", a-t-il encore ajouté tout en réaffirmant son attachement à l'esprit déontologique qui doit animer le fonctionnaire. Pour faire état de sa fermeté quant à l'application de cette instruction, le wali de Tizi Ouzou use d'une formule qui se décline comme une menace à l'endroit des destinataires du courrier. "J'attache du prix à la stricte exécution de la présente instruction qui ne doit souffrir aucun manquement", écrit-il pour terminer son texte. Mais curieusement, certains présidents d'APC de la wilaya à l'instar de celui de la commune de Tizi N'Tleta, Amar Zarouki, celui d'Aït Boumahdi, Zerar Saâdi, et celui de Makouda, Mohamed Abbas, n'avaient pas encore reçu cette instruction, qu'un second courrier "complémentaire" a été adressé, hier, soit moins de 24 heures après, aux mêmes destinataires pour leur signifier que les présidents d'APC ne sont finalement pas concernés par l'instruction du wali. "En complément à mon envoi n°3787/CAB/2018 du 2 décembre 2018, relatif aux déplacements des responsables à l'intérieur et en dehors du territoire de la wilaya, j'ai l'honneur de vous informer que cette instruction concerne uniquement les chefs de daïra et les directeurs de l'exécutif, quant aux présidents des Assemblées populaires communales, ils ne sont pas concernés par les termes de ladite instruction", lit-on dans le texte dudit courrier. Que s'est-il bien passé donc entre-temps pour que le wali effectue un tel revirement ? Les présidents d'APC ne comptaient pas rester les bras croisés et le wali en a eu sans doute vent. Selon le président d'APC d'Azeffoun, Hacène Ouali, les présidents d'APC ont commencé à s'organiser depuis hier matin pour décider d'une riposte commune. Ils étaient en ébullition lorsque le second courrier est venu atténuer leur colère. Pour les P/APC de la région, il n'était pas question de se plier à cette décision "inacceptable". "Le P/APC est déjà sans prérogatives importantes, il est le plus touché par la pression des restrictions budgétaires et c'est déjà lui qui subit la pression des administrés, et voilà qu'on lui rajoute des restrictions qui touchent même à sa liberté de mouvement, c'est tout simplement inadmissible" rétorque un des P/APC contactés à ce sujet. À noter que ce n'est pas la première fois depuis son installation à la tête de la wilaya, en octobre dernier, que le wali de Tizi Ouzou commet une maladresse envers les présidents d'APC. En novembre dernier, Abdelhakim Chater, qui présidait une cérémonie pour honorer des communes ayant participé au concours de "la ville verte" initié par le chef de l'Etat, a signifié ouvertement aux présidents d'APC que, désormais, l'accès des communes à l'aide FCCL sera conditionné par leur participation à ce concours du Président. Ce qui n'a pas été du goût de ces élus qui ont vite conclu à un chantage.
Des P/APC ont réagi hier à l'instruction - qui a été annulée par la suite - du wali de Tizi Ouzou, laquelle voudrait conditionner leurs déplacements à l'intérieur et hors de la wilaya par la délivrance préalable d'un ordre de mission par l'autorité administrative, le chef de daïra en l'occurrence. Nacer Hessiane, P/APC de Souamaâ : "Je suis un élu du peuple, et cette décision administrative ne peut concerner que les administrateurs, et non les élus. Il s'agit d'une entrave aux prérogatives du P/APC qui est le premier magistrat de la commune pour un mandat déterminé et non un fonctionnaire relevant d'une sujétion. Une décision sera prise dans ce sens en collaboration avec les présidents d'APC." Aïssa Teboul, P/APC d'Aït Khelili : "Je me refuse à commenter une rumeur tant que le courrier officiel n'a pas été reçu. Pour toute éventualité, toute décision fera l'objet d'une concertation non seulement avec mes collègues élus, mais aussi avec les autres P/APC." Un P/APC de la daïra de Draâ El-Mizan : "Si cela se confirme, c'est un autre blocage qu'on met devant les élus du peuple. Au moment où l'on parle de la décentralisation en donnant plus de prérogatives aux élus locaux, cette missive nous tombe sur la tête comme un couperet. Donc, nous serons réduits à de simples fonctionnaires. C'est inadmissible. On aimerait bien que le P/APC ait d'autres prérogatives pour défendre l'intérêt de ses administrés."