"La nouvelle est totalement incroyable, hallucinante et plus que révoltante : la bibliothèque principale de la ville de Béjaïa vient de nous signifier que notre demande d'organiser une série de conférences-débats, animées par des écrivains et scientifiques algériens dans cet établissement est, tenez-vous bien, ‘soumise à l'autorisation du commandement du groupement territorial de la gendarmerie'", a alerté, hier, le Café littéraire de Béjaïa (CLB) dans une déclaration transmise à notre rédaction. Curieusement, l'attitude à la fois "étrange" et "absurde" de la direction de la culture de Béjaïa, qui gère ladite bibliothèque, suscite vraiment des interrogations au point de pousser les animateurs du Café littéraire de la ville des Hammadites à évoquer une "grave atteinte à nos droits et libertés". "Non seulement nous refusons de nous plier à cette mesure inique, humiliante, mais nous entendons la dénoncer fortement et la combattrons jusqu'à sa suppression définitive", ont-ils souligné, avant d'ajouter : "De quel droit une institution militaire doit-elle chercher à autoriser ou non une conférence publique ? Un écrivain, un scientifique ou un tout autre conférencier ne devraient-ils donc s'exprimer qu'avec l'assentiment direct des militaires ? Que sont-ils ces gendarmes pour se comporter comme s'ils avaient un droit divin sur le reste des citoyens ?" Rappelant aux pouvoirs publics que le Café littéraire de Béjaïa "ne quémandera aucune autorisation à quelque autorité que ce soit pour exercer le droit imprescriptible d'organiser son activité", les animateurs estiment qu'"imposer une telle mesure serait une entrave à sa liberté de tenir ses conférences dans des établissements culturels publics, lesquels appartiennent non pas au pouvoir, mais aux citoyennes et aux citoyens de notre pays". Pour les rédacteurs de la déclaration, "tenter de nous enlever ces espaces de libre expression et de débat d'idées par la force de la baïonnette exprime une volonté bien claire de renforcer une dictature de plus en plus envahissante, de plus en plus arrogante". En outre, ils accusent le pouvoir et ses innombrables relais d'"exercer un monopole quasi général sur l'action culturelle, quoique celle-ci souffre d'une terrible médiocrité, mais voulue et sciemment recherchée". Quant à l'action culturelle exercée librement dans le but d'apporter une contribution notable à l'éveil des consciences, à la formation de l'esprit critique du citoyen et à son rapprochement avec le livre, celle-là, "le pouvoir n'en veut pas et fait tout pour l'éclipser, sinon la faire disparaître à force de la réprimer", ont-ils déploré. Le Café littéraire de Béjaïa réaffirme sa décision de "ne se soumettra à aucune mesure coercitive ni à aucune loi liberticide". À ce titre, il entend protester dans les jours qui viennent pour "dénoncer l'ostracisme qui l'oppresse à travers des actions publiques". "À la force des baïonnettes, il entend opposer la force du droit", a-t-il conclu. Afin de tirer au clair cette histoire d'autorisation impliquant un corps de sécurité, nous avons pris attache avec le commandant Chellia Foued, responsable de la cellule de communication auprès du groupement de gendarmerie de Béjaïa, lequel nous fera savoir que ses services sont appelés, au même titre d'ailleurs que la police, à donner leur avis uniquement sur le plan sécuritaire. "La réglementation en vigueur stipule que la demande d'autorisation doit être déposée au niveau de l'administration de wilaya (Drag), laquelle sollicite l'avis des deux corps de sécurité (police et gendarmerie, ndlr)", tient à préciser notre interlocuteur, avant d'ajouter qu'"aucune activité culturelle n'a fait l'objet d'interdiction dans la wilaya de Béjaïa". KAMAL OUHNIA