Dans ce nouvel opus, l'auteure nous livre une autre analyse de la tragédie migratoire résultant de l'indigence extrême des guerres civiles et de la barbarie libérale mondialisée. L'ouvrage de 172 pages, publié aux éditions Casbah, relate l'équipée dramatique de 4 migrants subsahariens, dont les routes ne cesseront de se croiser et de se décroiser. C'est l'histoire du tragique destin de trois hommes et d'une femme lancés pour une survie hypothétique dans une folle aventure, aux prises avec le danger, la haine, le racisme et la barbarie, raconte l'écrivaine en choisissant les justes mots résumant les étapes d'une expédition déchirante et bouleversante. En prenant la décision de quitter leurs pays pour aller vivre sous d'autres cieux plus cléments, les personnages du roman, Rabiou, Afi, Théodore et Pascal, étaient très loin de se douter que leur voyage allait être aussi amer que "la coloquinte", ce fruit à écorce dure contenant une pulpe toxique qui pousse dans le désert et s'étend à perte de vue sur des centaines de kilomètres carrés. Leur périple improvisé était truffé de péripéties que l'auteure a relatées avec force détails, pour donner forme à une mésaventure devant interpeller toutes les consciences et tous les pouvoirs ayant le sens de l'humanité. L'odyssée africaine a permis ainsi à la romancière de dépeindre une humanité en détresse et de dresser un sévère réquisitoire contre les responsables d'un état du monde dans lequel "l'homme est plus que jamais un loup pour l'homme". Le constat dressé par Amèle El-Mahdi résume un peu la déconfiture des Etats qui avancent des boniments creux et des paroles vides de sens quant à la mise en place de stratégies de lutte contre le phénomène de la migration clandestine et l'invasion migratoire qui préoccupe hypocritement les Occidentaux. Pour elle, il est vain et illusoire de vouloir interdire aux hommes de se déplacer à leur guise sur la terre de Dieu, ces hommes qui ont, de tout temps éprouvé le besoin irrésistible de découvrir le monde pour connaître et se connaître, qui ont toujours ressenti ce désir éperdu, propre à leur race, d'un lendemain meilleur et qui ont constamment eu cette envie irrépressible d'aller au-delà des frontières pour appréhender l'ailleurs, quitte à défier tous les dangers. "Jamais une barrière ni aucun mur ne pourront empêcher les migrants africains d'aller vers cette Europe, objet de leurs rêves les plus fous, qui les faisait fantasmer alors qu'ils se trouvaient encore dans le ventre de leurs mères", tranche l'écrivaine avec la ferme certitude de déplorer encore des morts et des disparitions par centaines, voire par milliers, parce que "rien ne fera renoncer ces jeunes Africains à aller là où leurs rêves les mèneront". Plus claire, l'auteure aura conclu par cette vision pessimiste qui laisse défiler les images et les aventures douloureuses des semblables d'Afi, de Rabiou, de Pascal et de Théodore qui viendront par centaines ou par milliers frapper aux portes de l'Occident. "Cet Occident qui sera bien obligé tôt ou tard de les accueillir, à moins qu'il ne se décide réellement de les aider à vaincre la misère qui les pousse à fuir la terre de leurs ancêtres, et dont il est en grande partie responsable", a-t-elle conclu. RABAH KARECHE Une odyssée africaine, d'Amèle El-Mahdi, Editions Casbah, 2018, 172 pages.