Du 1er au 3 mai aura lieu la 2e édition de "l'Art est public" dans 11 wilayas. Cet évènement inscrit dans une "obligation de réappropriation de l'espace public", longtemps "revendiquée" par le peuple, sera ponctué de diverses activités : street art, projections, théâtre de rue, ateliers et campagne sur l'environnement. Dans cet entretien, Yane Ouchène revient sur les grandes lignes de cette édition, qui vise à redonner aux artistes et aux citoyens leur place, et la liberté d'expression et de création dans les lieux publics. Liberté : Après Béjaïa, "l'Art est public" aura lieu, pour sa deuxième édition, dans 11 villes du pays, du 1er au 3 mai. Comment est né ce projet ? Yane Ouchène : Lorsque cet événement est né en 2017, il s'est fait spontanément. Quand nous avons décidé de renouveler l'expérience après presque deux ans, nous voulions étendre l'événement à quelques villes. Ensuite, il y a eu de l'engouement pour cette manifestation, et des personnes de leur propre initiative nous ont demandé d'y participer. Nous avons fait confiance à notre instinct et l'histoire se fait. Cet évènement s'inscrit dans une "obligation de réappropriation de l'espace public", quelles sont les mécanismes qui permettront la "reconquête" de ces lieux ? Tout simplement en démontrant que la jeunesse algérienne est là, debout, et que la rue lui appartient. Pendant des années, l'Algérien n'est pas sorti, il avait peur. D'ailleurs, des chanteurs de rue ont été arrêtés par la police. N'importe quel moyen est bon, les rassemblements par exemple comme ceux qui se tiennent aujourd'hui, et ce, en musique et en toutes sortes d'évènements. L'essentiel est de ne pas avoir peur dans la rue. Vous avez décidé d'investir des quartiers populaires ou peu fréquentés. Pourquoi ce choix ? Pensez-vous que les habitants sont plus à la marge des manifestations culturelles ? Totalement. Les quartiers défavorisés sont totalement mis à l'écart. Nous le savons tous, le monde culturel est très restreint ! Ces personnes-là ne sont pas en contact avec l'art et la culture et nous avons besoin de cela pour évoluer, et nous avons vraiment pris conscience de cette situation lors de la première édition. Pour cette raison, nous voulons travailler avec les enfants, car c'est à eux que nous devons inculquer cela. À Béjaïa, nous avons vu des regards de petits et grands émerveillés. Parmi les objectifs de ce projet est de "participer à la démocratisation de l'art de rue comme outil de revendication et de mobilisation citoyenne". Pouvez-vous nous éclairer sur les autres buts ? Pensez-vous y arriver en trois jours (c'est un travail qui doit être régulier pour faire renouer les liens entre la jeunesse et la culture) ? Nous voulions investir 4 wilayas et nous en sommes à plus de 10. Les jeunes sont aujourd'hui conscients que l'Algérien a besoin de culture, d'art et de sensibilisation. Depuis le 22 février, cela se fait spontanément tous les jours. Et nous avons vu à quel point l'Algérien a une fibre artistique, culturelle et écologique. Nous savons que cet objectif est osé, mais si nous arrivons à le faire en premier lieu à petite échelle et en simultané, c'est déjà un pas en avant. Nous voudrions que cette manifestation se multiplie en Algérie plusieurs fois par an. Quel est le programme établi pour cette édition ? Sera-t-il le même dans toutes les wilayas ? Pour cette édition comme pour la première, nous commencerons par une campagne de nettoyage, réalisée par des bénévoles, qui seront encadrés par des coordinateurs de chaque ville. Il y aura aussi des campagnes de sensibilisation sur le recyclage et l'écologie, qui viseront surtout les adolescents et les enfants. En parallèle, les artistes peintres se chargeront d'embellir les murs de ces quartiers en faisant participer les habitants. Des ateliers seront mis en place, ils seront portés sur le recyclage, le dessin, la lecture et l'écriture en faveur des enfants. Ces ateliers seront différents d'une ville à une autre. Les coordinateurs des wilayas font un travail extraordinaire pour rassembler un maximum de personnes et mener à bien cet événement. D'ailleurs, nous avons reçu énormément de messages et d'appels pour participer dans beaucoup de wilayas. Votre programme vise également à sensibiliser à l'environnement… Le respect de l'environnement doit être inculqué aux enfants, car jeter un papier par terre, si on le fait à 5 ans on le fera à 50 ans, et le contraire est aussi juste, donc nous nous basons sur les enfants et les adolescents pour ces débats et ateliers, et c'est une partie importante de notre programme. Aujourd'hui, l'état des quartiers algériens est à pleurer et à déplorer, nous devons y remédier même à petite échelle. La clôture de cette manifestation aura lieu un vendredi, jour des marches pacifiques… Avez-vous prévu des activités spécialement pour cette journée ? Nous n'avons pas de programme précis, car nous ne voulons pas mêler l'événement à la politique, même si nous sommes sûrs qu'il y aura un lien qui va se créer spontanément entre les deux. Hana Menasria