Aux capacités de sauvetage limitées de leurs navires, les ONG qui effectuent leurs missions en mer se retrouvent souvent désarmées face aux refus d'autorisation de débarquement des ports européens. Les opérations de sauvetage de migrants en Méditerranée ont connu une augmentation inquiétante ce mois d'août. Plus de 500 migrants ont été récupérés en mer rien que ces deux dernières semaines, alors que des navires de secours effectuent toujours des patrouilles à la recherche d'autres candidats à la migration en situation de détresse. Le rythme croissant des départs des migrants, encouragé par des conditions météorologiques favorables, complique davantage le travail des ONG humanitaires dans leurs missions de sauvetages. Ces dernières dont le nombre est déjà fortement réduit, risquent tout simplement de se voir déborder par le flux massif des boat-people traversant la Méditerranée. Avant-hier, lundi, le navire humanitaire Ocean Viking a secouru 105 migrants supplémentaires dans les eaux internationales au large de la Libye, et compte désormais 356 personnes à la recherche d'un port sûr pour débarquer. Dans le même temps, plus de 150 migrants étaient bloqués, certains depuis plus de 10 jours, sur le navire espagnol Open Arms au large de l'île italienne de Lampedusa. À bord des deux navires, on compte des femmes, des hommes et beaucoup de mineurs soudanais partis, en majorité, de Libye. Les deux ONG les plus importantes activant en Méditerranée s'inquiètent en se retrouvant isolées et peu soutenues par d'autres navires de secours. "Il n'y a en effet pas d'autre ONG disponible : l'Alan Kurdi de Sea-Eye vient de rentrer à sa base de Majorque, le Mare Jonio de Mediterranea (dont le séquestre a été levé la semaine dernière) est encore en Sicile, et l'Open Arms de Proactiva Open Arms fait du surplace au large de Lampedusa. L'Open Arms est interdit de pénétrer dans les eaux territoriales italiennes pour s'abriter à Lampedusa, et dans les eaux maltaises pour s'abriter à Malte. Tout va bien", a raillé sur les réseaux sociaux Oscar Camps, fondateur de l'ONG espagnole, Proactiva Open Arms. C'est dire toute les difficultés auxquelles font face quotidiennement ces anges de la Méditerranée. Mais pis encore, aux capacités de sauvetage limitées des navires humanitaire, les ONG qui effectuent leurs missions se retrouvent souvent désarmées face aux refus d'autorisation de débarquement dans les ports européens. Le cas le plus emblématique nous vient d'Italie. Le Sénat de Rome a voté le 5 août un "décret sécurité", qui accorde au ministre de l'Intérieur des pouvoirs élargis pour "interdire les eaux territoriales aux navires ayant secouru des migrants, confisquer les bateaux des ONG et imposer à leurs commandants des amendes pouvant aller jusqu'à 1 million d'euros". Un véritable coup de force contre les ONG qui voient ainsi leur mission humanitaire criminalisée par la force de la loi. Une loi qui d'ailleurs n'a pas manqué de susciter l'indignation des institutions internationales. Le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés s'est dit "inquiet", à la suite de l'adoption par le Parlement italien d'une telle loi alors que la Commission européenne avait annoncé son intention "d'analyser" cette nouvelle législation italienne afin de "vérifier sa compatibilité avec le droit européen". "Imposer des amendes ou d'autres pénalités aux commandants risque de dissuader ou d'empêcher des navires privés de mener des activités de secours en mer au moment où les Etats européens se sont pratiquement désengagés des efforts de sauvetage en Méditerranée centrale", a déclaré le HCR. Pour l'agence de l'ONU, "les ONG jouent un rôle inestimable dans le sauvetage des réfugiés et des migrants qui tentent de traverser la mer pour rejoindre les côtes européennes". "L'engagement et l'humanité qui les motivent ne doivent pas être criminalisés ou stigmatisés", a-t-elle estimé. La Méditerranée est devenue la route maritime la plus meurtrière au monde. Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 840 personnes y ont disparu depuis le début de l'année, dont 576 en Méditerranée centrale. Karim Benamar