L'auteur était l'invité de la librairie Media Book de l'Enag pour la présentation de ses ouvrages. Après une courte pause due à l'intermède du Sila, l'agora du livre de la librairie Media Book de l'Enag a rouvert ses portes à l'écrivain Cheurfi Salah, venu de Sétif pour y narrer ses Mémoires de fidaï (éditions Enag 2018) qu'il a écrit à l'encre de l'épopée héroïque qu'il a vécue de 1950 et jusqu'à ce qu'il se désenchaîne lui et ses pairs des chaînes du long joug colonial. Bon pied bon œil et l'air ardent d'hilarité, le tribun a feuilleté sa mémoire d'où il résulte l'horreur de la tragédie du 8 Mai 1945 alors qu'il n'avait que douze ans. Mieux, il n'avait que vingt ans lorsqu'il a apporté sa pierre à l'édification d'une cellule de militants PPA-MTLD au centre de formation professionnelle à l'Asif Aïssi ou l'Oued Aïssi (Tizi Ouzou), où il a connu le militant Hocine Hamouche, dit "Si Moh Touil", a-t-on su de cet ancien boy scout. Elevé à la dure, le tribun a le geste du brave qu'il s'est forgé dans les cachots de commissariats et les geôles de l'occupant français qui l'ont spoliés de son enfance, de sa jeunesse qu'il a vécu sous la tyrannie de l'oppression et loin de l'école de Jules Ferry : "J'ai été arrêté le 2 mai 1956 et condamné par le tribunal militaire de Constantine à la peine capitale pour acte de sabotage et élimination d'un traître à la cause nationale", a déclaré l'orateur. Néanmoins, l'intervenant du café littéraire a été gracié in extremis le 2 février 1957 après qu'il a assisté horrifié à l'exécution de ses compagnons de cellule. Fougueux dans l'épreuve, l'orateur témoigne sans haine ni rancune de la brutalité policière mais aussi de la férocité des "matons" à la prison militaire de Souika à l'ancien quartier Welvert de Constantine. Meurtri dans sa chair, le conférencier narre la cruauté de ses tortionnaires qui ont imbibé ce lieu des larmes et du sang de ses congénères, a déclaré ce chercheur en histoire qui ajoute même ce brin d'humour à l'accent qui ruisselle de la fontaine de Aïn Fouara de bled Sidi El-Khier. Alors, et mettant à profit sa détention, le tribun a même inscrit sur son cahier d'écolier aux traits jaunis par le temps et qu'il garde jusqu'à ce jour, les noms de toutes les victimes de l'infâme bourreau Fernand Meyssonnier (1931-2008) qui actionnait le couperet de l'horrible guillotine : "Coïncidence de l'histoire, maître Albert Smadja, l'avocat de Fernand Iveton (1926-1957) a obtenu de la part du bourreau Fernand Meysonnier l'identique liste qu'il tenait à jour", a déclaré le conférencier qui a immortalisé cette liste macabre dans son livre : Nos condamnés à mort - Chouhada éditions Enag 2019. "À noter que plus de 1500 condamnations à mort ont été prononcées par les tribunaux militaires français durant la période allant de 1954 à 1962. À ce titre, 141 martyrs ont été exécutés dont 59 à Alger, 55 à Constantine et 27 à Oran. S'agissant de la Fédération de France, il y eut 22 exécutions dont 4 à Dijon, 12 à Lyon et 5 à Paris", écrit l'auteur en guise d'introduction. À noter qu'outre les archives de la chancellerie et autres corps constitués, l'auteur a eu recours aux témoignages des familles des condamnés à mort. Pour une première, c'en est une, du fait que ces livres mémoriels sont des matériaux utiles à l'historien.
Nourreddine Louhal Mémoires de fidaï, de Cheurfi Salah (éditions Enag), 85 pages. Nos condamnés à mort – Chouhada de Cheurfi Salah (éditions Enag), 113 pages – 550DA.