"Nous sommes aujourd'hui devant un défi majeur qui consiste en le recouvrement de la confiance en notre société", a souligné M. Djerad dans sa première déclaration après sa nomination. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a nommé hier, soit dix jours après son investiture dans ses fonctions, Abdelaziz Djerad au poste de Premier ministre. Le successeur de Noureddine Bedoui n'a pas attendu la composition de son gouvernement pour communiquer. Sitôt désigné, il a commis sa première déclaration dans laquelle il a énuméré ses priorités. Il a mis l'accent sur "la nécessité de travailler avec l'ensemble des compétences nationales, des cadres du pays et des citoyens et citoyennes" en vue de "relever les défis socioéconomiques et sortir de cette période délicate que traverse notre pays. Nous sommes aujourd'hui devant un défi majeur qui consiste en le recouvrement de la confiance en notre société", a-t-il souligné, tout en se disant confiant que "le programme du président de la République est à même de nous permettre de travailler dans l'intérêt suprême du pays".Pour désigner son Premier ministre, le chef de l'Etat a décidé de rappeler un ancien haut fonctionnaire qui a fait carrière dans la haute administration. Ce natif de Khenchela en 1954, Abdelaziz Djerad, a été d'abord secrétaire général de la présidence de la République sous Liamine Zeroual. Par la suite, il servira au ministère des Affaires étrangères comme secrétaire général du temps où Abdelaziz Belkhadem était chef de la diplomatie. Il fondera l'Institut diplomatique des relations internationales (Idri). Proche d'Ali Benflis, il quittera définitivement les arcanes du pouvoir en 2003. Il paiera pour sa proximité avec l'ancien Premier ministre. Il retournera à l'université pour y enseigner les sciences politiques. Eloigné des couloirs dorés de la République, Abdelaziz Djerad gardera cependant une proximité avec le secteur des médias. Il interviendra souvent comme "consultant politique" et écrira même dans des journaux pour donner son avis sur des faits d'actualité. Et s'il s'est éloigné des affaires de l'Etat, il ne sera jamais un opposant frontal. D'ailleurs, il n'a pas suivi Ali Benflis dans son aventure partisane. Même lorsque l'opposition mettait en garde contre les conséquences d'un quatrième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, le désormais nouveau Premier ministre estimait, dans une déclaration médiatique, que "personne" ne pouvait "empêcher" le chef de l'Etat de se représenter. On était loin du hirak. Mais il y avait déjà des manifestations contre l'élection d'avril 2014. Plus que cela, Ali Benflis lui-même était candidat à cette élection et ce dernier évoquait déjà des "forces extraconstitutionnelles" qui géraient le pays. Avec l'avènement du hirak, Abdelaziz Djerad tentera de se rendre. En effet, dès les débuts du mouvement populaire, il a animé des conférences sur les périodes de transition. Il a donc repris son rôle d'universitaire. Mais il n'ira pas jusqu'à oser une implication ouvertement politique. il demeurera donc discret tout au long du mouvement populaire. Une période de grâce… Sur les réseaux sociaux, la désignation d'Abdelaziz Djerad au poste de Premier ministre est plutôt bien accueillie. Beaucoup de journalistes, d'universitaires et de politiques se disent optimistes de voir cet universitaire réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. Car, s'il n'est pas connu comme un proche de l'ancien système, Abdelaziz Djerad a tout de même besoin de redoubler d'efforts pour convaincre les Algériens. Cela commencera par les actions qu'il entreprendra face à la poursuite des marches citoyennes et la revendication des Algériens de voir le système politique complètement changer. Incarnera-t-il ce changement ? En plus de gérer les dossiers économiques et sociaux des plus délicats, Abdelaziz Djerad a la lourde tâche de redorer le blason du pouvoir. Lui qui est désormais chargé d'être la vitrine d'Abdelmadjid Tebboune devra trouver les mots et les actions qu'il faut pour calmer la colère des Algériens. À commencer par la concrétisation des promesses du chef de l'Etat de "tendre la main au hirak" pour tenter de dénouer la crise politique que vit le pays depuis plus de 10 mois. À côté de cela, il devra préparer l'arsenal juridique qui lui permettra de passer "à la nouvelle république". Outre la révision de la Constitution, qui relève plutôt du domaine de compétences du chef de l'Etat, c'est au gouvernement qu'incombera la tâche de réviser la loi électorale et celle sur les partis politiques. L'équipe gouvernementale que coordonnera Abdelaziz Djerad sera normalement composée de nouvelles figures politiques. Abdelmadjid Tebboune avait annoncé, lors de sa première conférence de presse qui a suivi son élection, que des ministres âgés de "26 à 27 ans" figureront dans le futur gouvernement. Selon toute vraisemblance, le gouvernement Djerad ne comptera pas beaucoup de ministres partisans. En plus du fait qu'aucun parti politique de l'alliance présidentielle n'avait soutenu Abdelmadjid Tebboune dans sa quête de la présidence de la République, ce dernier avait promis de s'appuyer sur les associations et la société civile pour gouverner le pays dans l'avenir. Mais pourra-t-il se passer des partis politiques qui composent l'essentiel du Parlement actuellement ?
Ali Boukhlef
Qui est Abdelaziz Djerad ? Au cours de sa carrière, M. Djerad a assumé plusieurs responsabilités, notamment conseiller diplomatique à la présidence de la République (1992-1993) et secrétaire général de la présidence de la République (1993-1995), avant d'occuper le poste de directeur général de l'Agence algérienne de coopération internationale (1996-2000), puis de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères (2001-2003). Auparavant, il avait assumé les fonctions de directeur de l'Ecole nationale d'administration (1989-1992). M. Djerad est diplômé de l'Institut des sciences politiques et des relations internationales d'Alger (1976) et titulaire d'un doctorat d'Etat en sciences politiques de l'Université de Paris (1981). Professeur des universités depuis 1992, il a enseigné dans plusieurs établissements universitaires en Algérie et à l'étranger. Né à Khenchela le 12 février 1954, M. Djerad est marié et père de 4 enfants.