La littérature algérienne foisonne de nouveaux auteurs. Parmi eux figure un jeune écrivain oranais dont El Bahia sert de décors à ses romans et nouvelles. De ses œuvres, on peut citer N'achetez pas ce livre, c'est une grosse arnaque (Dar el Gharb, 2005), Vivement septembre (2016), Au secours Morphée ( Apic ,2018). Né dans la capitale de l'ouest algérien en 1984, journaliste, Akram El Kebir a publié en 2019 son dernier roman, Les Fleuves impassibles (APIC). « Si on prend le cas de Vivement septembre ou de Au secours Morphée, les personnages sont, en général, des bourgeois, qui ont des problèmes de bourgeois », a-t-il écrit, comme pour indiquer que Les Fleuves impassibles est une œuvre en rupture avec les précédentes. Akram El Kebir avait besoin d'un sujet et la « harga », s'impose tout naturellement à son esprit. L'histoire commence à Sidi Lehouari, là où il y a la pêcherie, le parking, le tunnel et les jeunes de ce quartier. Zaki gère un petit café populaire. A 24 ans, il rêve de faire la harga mais n'ose jamais, dissuadé par les corps rejetés par la mer. Il vivote et mène une vie ennuyeuse où rien ne se passe. Un homme vient tous les jours prendre un café et y laisse les journaux en s'en allant. Zaki les lit. Il apprend qu'un gros bateau relie Oran à Ain Turck. De là germe dans son esprit l'idée de le détourner pour aller en Espagne. Cela épargnera les vies des jeunes qui prennent des embarcations qui causent leur perte. Il en parle à ses amis, dont Okacha, le gérant de parking. En mer, à bord du bateau détourné, l'auteur zoome sur des passagers, comme Abdelkrim, conservateur avec kamis et barbe, l'amoureux déçu et un tas de gens qui représentent un microcosme de la société algérienne. Embarqué dans la même galère, Mamadou, un jeune malien qui veut lui aussi rejoindre l'autre rive. Et puis, il y a Nefissa, étudiante de 22 ans, blasée, qui a décidé de faire une balade en bateau avec sa mère. Au-delà des aspects sociologique, politique et psychologique du roman, Akram El Kebir y voit avant tout un exercice littéraire et le plaisir de mettre en scène des personnages multiples et de faire des échappées sur la trame centrale. Qu'on aime ou non, le style, le ton, le rythme relèvent de chaque auteur. L'écrivain évolue dans son style. Ce dernier roman, écrit dans une langue « d'une simplicité complexe », semble accompli selon des critiques littéraires.
ALI BEDRICI Les Fleuves impassibles, d'Akram El Kebir, Editions APIC, 2019, 500 DA.