Assiégé par une multitude de décharges sauvages et abandonné par les autorités locales, il est réduit depuis des années à un dépotoir de rebuts et de déchets ménagers. Le ministère de la Culture est de nouveau interpellé sur le sort de ce patrimoine historique qui se trouve dans un piteux état. Du palais de ce chef spirituel des Touareg, qui fut à la tête de la confédération des Kel n'Ahaggar de 1905 à 1920, il ne reste que quelques vestiges et des bouts de murs accrochés péniblement aux souvenirs d'un passé glorieux. Le site est actuellement "assiégé" par une multitude de décharges sauvages. En effet, de quelque côté que l'on se tourne, on constate l'ampleur des immondices qui agressent l'odorat des passants. Le comble, c'est que ce ksar, qui fut par le passé le symbole de fierté des Touareg, est, laxisme des autorités aidant, devenu le repaire des délinquants et des toxicomanes. Face à cet état de fait, les habitants du quartier attenant au palais se disent révoltés par la situation dans laquelle se trouve ce patrimoine culturel non encore classé et dénoncent l'indifférence des autorités compétentes. "Nous avons tiré la sonnette d'alarme à maintes reprises, en vain. C'est toujours les mêmes ritournelles qui reviennent pour justifier la déliquescence qui affecte profondément ce palais", se lamente Abdeslam Mellal. Habitant à quelques toises du monument, notre interlocuteur, qui s'autoproclame représentant de l'ascendance Ag Amasten et qui est également membre de l'Assemblée populaire de la wilaya de Tamanrasset, s'indigne de l'attitude autiste des responsables concernés. "Le legs de l'un des symboles de souveraineté dans la région est dans un état déplorable à cause d'un vulgaire conflit qui opposerait l'OnPca (Office national du parc culturel de l'Ahaggar) à certains habitants qui veulent prendre possession de cet héritage", regrette-t-il, en pointant le doigt vers ceux qui enfoncent le clou en exploitant ce "différend" à des fins personnelles. Rétorquant à ces allégations, le directeur de l'Onpca, Hmoud Amerzagh, affirme que le problème du palais Moussa-Ag Amastan est plus profond, rappelant que le monument en question a bénéficié d'une opération en 2002 portant sur la clôture du site et la construction d'un poste de contrôle dans le but de le préserver. "Aussitôt posé, le grillage a été pillé et le poste incendié. Le site a été vandalisé pour des raisons non encore révélées", indique-t-il. Une opération de restauration a également été projetée pour ksar Moussa-Ag Amastan où l'on a prévu un musée de site destiné exclusivement aux héritages et legs des amenokals de l'Ahaggar. Un espace devant abriter la bibliothèque des livres traitant de l'histoire de la région est également proposé par l'Onpca, qui affirme avoir déposé deux dossiers pour la classification de ce patrimoine historique, dont le dernier en date remonte à 2018. "Cependant, cette opération bute sur l'opposition de ceux qui prétendent être héritiers de l'amenokal et qui ont introduit un dossier de régularisation auprès des services des domaines pour s'approprier le site", précise encore M. Amerzagh. Pour mémoire, une opération de restauration des biens immobiliers culturels a été lancée au titre des années 2006 et 2007, relève-t-on du schéma directeur des zones archéologiques et historiques mis en place par le ministère de la Culture. Une enveloppe de 2,5 millions de dinars a été ainsi dégagée pour la réhabilitation du ksar en question. D'autres opérations ont parallèlement été prévues dans le cadre de ce programme pour la restauration des monuments protégés de Tazrouk (3 millions de dinars) et de la casbah Badjouda à In Salah (4 millions de dinars), ainsi que pour la réhabilitation de Soro Moussa-Ag Amasten (5 millions de dinars) et la mise en valeur du site archéologique de Tit (5 millions de dinars). Le même schéma, faisant état de travaux prévisionnels s'étalant jusqu'à l'horizon 2025, indique que 92 opérations de restauration ont été retenues dans 37 wilayas. Quinze opérations similaires ont été lancées dans le cadre du programme spécial Sud. Toutefois, la réalité est tout autre. "Les marchés ont été octroyés à des bandes de corrompus qui se sont taillés avec l'argent du contribuable sans prendre la peine d'accomplir la mission qui leur était dévolue", dénonce une source très au fait du dossier. À titre d'exemple, elle cite le bureau d'études chargé du projet de restauration du ksar, lancé en 2006 par la direction de la culture de Tamanrasset sous la houlette du ministère de tutelle. "Le chef de projet s'est tiré avec 200 millions de centimes sans mener l'étude à terme et présenter le cahier des charges des travaux à établir. Le bureau en question aurait perçu la totalité de ses honoraires sans pour autant faire aboutir l'étude pour laquelle il a été initialement engagé. Scandaleux ! L'affaire, dans laquelle seraient impliqués des cadres du ministère, a été vite étouffée", peste notre source. À la Direction de la culture de Tamanrasset, on a appris que l'opération liée à la restauration du ksar Moussa-Ag Amastan a été momentanément gelée.