Le fait est sans doute loin d'être anodin : pas moins de 2 635 associations ont été agréées en l'espace d'un mois, soit depuis l'instruction du ministère de l'Intérieur en juin dernier, a révélé samedi, lors d'une rencontre à Oran, le conseiller auprès du chef de l'Etat, chargé du mouvement associatif et de la communauté nationale à l'étranger, Nazih Berramdane. En tout, ce sont plus de 4 000 demandes qui ont été enregistrées, un chiffre appelé visiblement à la hausse. Nazih Berramdane, dont les propos ont été repris par l'APS et dont la sortie a été largement couverte par les médias publics, a rappelé de nouveau l'"importance qu'accorde le président de la République, Abdelmadjid Tebboune au rôle du mouvement associatif dans la démocratie participative et l'édification d'une Algérie nouvelle". Dans le même contexte, il a mis en exergue, selon la même source, l'intérêt accordé par le président de la République à la communication avec la société civile à travers les rencontres avec les organes d'information "pour insuffler une transparence aux décisions prises concernant l'avenir du pays et les politiques suivies par l'Etat et associer la société civile à la réflexion sur l'avenir de l'Algérie". Cette rencontre, la première du genre, s'inscrit visiblement dans une démarche visant à créer à terme une grande fédération des associations à l'échelle nationale. "Des rencontres similaires seront organisées dans l'ensemble des wilayas du pays et seront clôturées, après la fin de la pandémie, par une rencontre nationale avec la possibilité de créer une confédération nationale des associations permettant à la société civile de participer à la prise de décision", a indiqué le conseiller à la présidence de la République. Au-delà de la célérité avec laquelle ces associations ont été agréées, au moment où de nombreuses autres se plaignent de diverses entraves — certaines n'ont pas encore obtenu d'agrément depuis plusieurs années —, la question est de savoir ce que sous-tend ce subit intérêt des pouvoirs publics pour la société civile. Faut-il rappeler qu'il n'y a pas encore si longtemps, certaines associations ont été empêchées de tenir des réunions, alors que d'autres étaient interdites d'organiser leur université d'été, à l'image de l'association RAJ ? Passons sur le fait que la simplification des procédures décidées récemment par le ministère de l'Intérieur constitue une entorse à la loi de 2012 sur le mouvement associatif, selon certains juristes. À bien des égards, ce pari sur la société civile, comme l'a répété dimanche dernier Abdelmadjid Tebboune, se décline comme une quête par les nouveaux tenants du pouvoir de renouveler leur base sociale en perspective des prochaines échéances, notamment la révision constitutionnelle appelée à être adoptée par un référendum populaire. Dépourvu d'une base politique et sociale depuis la rupture imposée par l'insurrection populaire, le pouvoir, qui s'emploie à asseoir une légitimité qui lui fait défaut et à rétablir une confiance perdue dont l'ampleur a été révélée par la crise de la Covid-19, semble jeter son dévolu sur un mouvement associatif renouvelé, maintenant que la base sociale de l'allégeance traditionnelle s'est révélée disqualifiée pour jouer un rôle dans la mobilisation. Pis encore, son association risque de jouer un effet repoussoir. Abdelmadjid Tebboune, qui a dû "compter ses amis" lors de son élection en décembre dernier, ne veut visiblement pas s'encombrer du soutien particulièrement du FLN, qui a préféré soutenir Azzedine Mihoubi, et du RND, deux partis rejetés par la population et dont des figures sont aujourd'hui sous les verrous. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison qu'il a réitéré récemment qu'il n'a pas l'intention de créer un parti, ni de s'appuyer sur d'autres. Reste à savoir si le pouvoir, confronté également à une grave crise économique, dispose de suffisamment de moyens, notamment financiers, lorsqu'on sait que sa base politique, jusque-là, était constituée pour l'essentiel d'une clientèle attirée uniquement par la rente. Des expériences similaires ont été tentées par le passé et on en connaît les résultats. Karim Kebir