En dépit des assurances des autorités, le ton est au scepticisme chez les enseignants et les syndicalistes qui invoquent le manque de moyens matériels pour la mise en œuvre de mesures, telles que le télé-enseignement ou le protocole sanitaire. Après neuf mois de vacances, les étudiants reprendront demain, mardi, le chemin des universités et des facultés dans une conjoncture marquée par les craintes dues à la propagation de la pandémie de Covid-19. Les autorités annoncent une série de mesures pour réussir la rentrée universitaire, notamment l'adoption d'un mode hybride qui allie mode d'enseignement à distance et enseignement en présentiel, et la mise en place de plateformes numériques dédiées aux cours et aux communications. Il s'agit aussi de la réduction de la présence obligatoire à l'université à deux jours seulement par semaine pour l'étudiant et l'adoption du système de groupes qui concernera le tiers des étudiants et uniquement les matières essentielles. "L'enseignement en mode présentiel sera assuré pour une moyenne de 12 semaines par semestre et le reste des cours sera dispensé en ligne", a précisé le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS), Abdelbaki Benziane. Le nombre d'étudiants résidant dans les cités universitaires a été réduit à un tiers, et le transport universitaire est envisagé par train pour faciliter le déplacement des étudiants, surtout pour ceux des wilayas du Sud, a-t-il indiqué. Cependant, en dépit de ces assurances, le ton est au scepticisme chez les enseignants et les syndicalistes qui invoquent le manque de moyens matériels pour la mise en œuvre de mesures telles que le télé-enseignement. "L'université algérienne n'a les moyens ni d'appliquer la formule du télé-enseignement ni de faire respecter le protocole sanitaire", a affirmé, dans ce sens, l'enseignant universitaire à Béjaïa et syndicaliste du Cnes, Abdelmalek Azzi. Tout en soulignant que la formule hybride d'enseignement présentiel et d'enseignement à distance qui a été adoptée est "correcte", il a estimé que "le problème est dans les moyens qui sont mis à la disposition des enseignants et des étudiants, notamment au vu du problème de connexion à internet qui est plus que médiocre". Il a également soutenu que "le temps d'enseignement en présentiel est insuffisant". Résultat : le protocole sanitaire n'est pas appliqué sur le terrain, a-t-il estimé en prenant pour exemples l'obligation non respectée du port de la bavette par les étudiants, les conditions sanitaires critiques dans les résidences universitaires et la non-application des gestes barrières dans les transports pour étudiants. En exprimant son inquiétude face à cela, l'enseignant universitaire a fait état du signalement de cas où des enseignants ont refusé de faire passer les examens à cause du nombre trop important d'étudiants, entraînant, de ce fait, la surcharge des amphithéâtres. Pour sa part, le professeur des sciences sociales à Sétif et syndicaliste, Djemaï Noui, estime que "comme ils ont bouclé l'année universitaire d'une manière expéditive, ils (les responsables, ndlr) peuvent annoncer aux médias des mesures et faire du populisme comme si la rentrée allait être bien organisée et qu'ils peuvent la réussir. Mais à mon avis, nous n'avons pas les moyens nécessaires d'organiser une rentrée dans de bonnes conditions". Et d'argumenter le "flux des étudiants et de la massification que l'université connaît", du fait que des universités n'ont même pas les locaux pédagogiques nécessaires, mais aussi de l'annonce de la décision d'accepter tous les candidats au master. S'agissant de l'enseignement à distance, "il est, de mon point de vue, impossible à réaliser parce que nous n'avons pas d'internet en Algérie à haut débit en Algérie, tout le monde s'en plaint d'ailleurs, en dépit du fait qu'ils annoncent qu'ils vont mettre en place des plateformes où seront mis les cours", a-t-il dit, avant d'enchaîner : "Techniquement, on peut mettre les cours en PDF et en Word, mais pas des vidéoconférences à nos étudiants, parce que les universités ne sont pas dotées des moyens pour le faire." En définitive, "l'université n'a pas les moyens de sa politique", fait observer le syndicaliste, puisque, ajoute-t-il : "Il faut dire la vérité, nous n'avons pas d'eau dans les universités, pas de femmes de ménage, les sanitaires sont sales, comment pensent-ils faire respecter un protocole sanitaire dans une université où l'on compte 50 000 étudiants ? C'est impossible. Parce qu'il y a une ville dans l'université."