L'exemple de la pénurie de semi-conducteurs qui paralyse actuellement l'industrie automobile montre que l'Europe doit maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeurs, des matières premières au recyclage, et pas seulement la production. Les dirigeants européens viennent d'afficher leur détermination à gagner la bataille de la voiture électrique, malgré l'avance considérable de l'Asie dans ce domaine, en engageant un plan de formation à grande échelle pour pourvoir les 800 000 emplois de la filière. "Quand nous avons lancé cette alliance il y a trois ans avec (le ministre allemand) Peter Altmaier, on nous a dit : ‘Ça ne sert à rien, c'est trop tard, la bataille est déjà perdue.' Mais les seules batailles que l'on perd ce sont les batailles qu'on ne livre pas", a affirmé le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse à Bruxelles, à l'issue de la 5e réunion de l'Alliance européenne des batteries. Projet industriel phare de l'Union européenne, il réunit 14 Etats membres et 42 entreprises, dont les constructeurs BMW, Fiat et Tesla, le chimiste français Arkema ou encore le spécialiste suédois des piles Northvolt. La Commission va y investir 2,9 milliards d'euros qui devraient permettre de débloquer trois fois plus d'investissements privés. L'objectif de cette coopération inédite dans le domaine industriel : rattraper le retard par rapport à la Chine qui domine de manière écrasante le marché de la batterie. L'UE, dont la part ne dépasse pas 3%, vise 25% du marché à la fin de la décennie. À moyen terme, l'objectif est que les usines de Nersac en France ou d'Ellwangen en Allemagne soient en mesure d'alimenter 7 millions de véhicules électriques d'ici quatre ans. Si l'Alliance pour les batteries répond à l'objectif de la Commission européenne d'atteindre la neutralité carbone en 2050, elle pourrait aussi permettre de relever le défi de la destruction créatrice impliquée par la transition verte et numérique. Alors que les plans sociaux qui se succèdent dans l'industrie automobile ont détruit "entre 60 000 et 90 000 emplois" en Europe, la filière de la voiture électrique est une "opportunité fantastique" pour les travailleurs européens, s'est enthousiasmé le commissaire européen Thierry Breton. Mais "d'ici la fin de la décennie, entre 180 000 et 200 000 emplois pourraient être créés" dans la fabrication de cellules de batteries. "Pensez à une usine automobile, aux compétences qui étaient requises il y a dix ans, et à celles qui le seront d'ici dix ans, et vous avez la réponse à ce que nous devons faire", a illustré le commissaire au Marché intérieur. Bruno Le Maire a cité l'exemple de la fermeture de l'usine Bosch à Rodez (Aveyron), qui produit des injecteurs pour les moteurs diesel : 750 postes voués à disparaître d'ici 2025, un séisme dans ce bassin d'emploi où l'équipementier allemand est le premier employeur privé. "C'est une des illustrations de la nécessité d'accompagner le mieux possible les salariés dans de nouvelles qualifications", a dit le ministre. "Je propose une formation au niveau européen pour former et convertir 800 000 salariés sur la chaîne de valeur électrique", a-t-il ajouté. Autre sujet critique, celui de l'approvisionnement dans les matières premières nécessaires à la fabrication des cellules de batterie, comme le lithium-ion, le graphite et le nickel. L'exemple de la pénurie de semi-conducteurs qui paralyse actuellement l'industrie automobile montre que l'Europe doit maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeurs, des matières premières au recyclage, et pas seulement la production, a fait valoir Maros Sefcovic, le vice-président de la Commission européenne. Les dirigeants ont également insisté sur la nécessité d'étendre le maillage des bornes de recharge, encore trop concentré dans certaines zones. Et ont appelé la Commission à accélérer sur le front réglementaire, "pour que les efforts que nous faisons en Europe pour avoir des batteries durables ne soient pas ruinés par l'importation de batteries moins durables et moins chères", a prévenu Bruno Le Maire, disant souhaiter que le projet de règlement sur les batteries soit en place dès 2022. Plein turbo sur les batteries, sinon rien ! La pandémie a accéléré l'adoption de la voiture électrique, constatent trois responsables européens, qui appellent l'UE dans une tribune commune à mettre le turbo dans les batteries pour pouvoir "alimenter au moins sept millions de voitures électriques" d'ici 2025. "Lorsque nous avons lancé l'Alliance européenne des batteries il y a trois ans, l'industrie des batteries basée dans l'UE était loin d'être en mesure de s'affirmer dans la concurrence mondiale", écrivent Bruno Le Maire, le ministre français de l'Economie, Peter Altmaier, son homologue allemand, et Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne, dans une tribune parue dans Les Echos et le Handelsblatt. "Nous avons fait des progrès incroyables depuis lors. D'ici 2025, l'Europe devrait être en mesure de produire suffisamment de cellules de batterie chaque année pour alimenter au moins sept millions de voitures électriques", écrivent les auteurs. En 2020, "le nombre de véhicules électriques sur nos routes a doublé pour atteindre plus de deux millions", si bien que "l'objectif de l'UE de créer un point de recharge public pour dix voitures électriques se rapproche". "Mais étant donné que bon nombre des 220 000 points de recharge sont concentrés dans quelques zones, nous devons encore accélérer l'expansion à travers l'UE", plaident les auteurs. Pour ces responsables, l'Europe doit accélérer dans quatre domaines : la réglementation, la sécurisation de son approvisionnement en matières premières, le recyclage et la formation. Ainsi, "la pénurie de main-d'œuvre qualifiée est un goulot d'étranglement qui peut entraver le développement de l'écosystème des batteries en Europe et nécessite donc une action immédiat", ont-ils valoir, alors que "le secteur industriel estime jusqu'à 800 000 le nombre de postes vacants d'ici 2025". Baptisé "Innovation européenne dans les batteries", le projet européen, dans lequel la Commission a annoncé investir 2,9 milliards fin janvier, regroupe 42 entreprises, dont les constructeurs BMW, Fiat et Tesla (qui s'est implanté près de Berlin), le chimiste français Arkema, et le spécialiste suédois des piles Northvolt. Couvrant l'ensemble de la chaîne de valeurs, des matières premières au recyclage, il intègre aussi des start-up et prévoit des coopérations avec de nombreux organismes de recherche et universités. Les aides publiques devraient débloquer environ 9 milliards d'euros d'investissements privés, selon la Commission. Face à la Chine qui domine le marché, l'Europe ne représente que 3% de la production mondiale de cellules, mais elle a l'ambition de rattraper son retard et vise 25% du marché à la fin de la décennie.