Le président de la République aurait pu attendre l'élection de la nouvelle Assemblée nationale et proposer son texte, estiment Mes Assoul et Saheb. Quelques jours avant le renouvellement de l'Assemblée populaire nationale, le chef de l'Etat a modifié, par ordonnance, le Code pénal pour y introduire, notamment, la notion de classification de "personnes" ou "entités terroristes". Des notions qui n'existaient pas auparavant. Selon la nouvelle version du code pénal, le champ des "actes terroristes" a été élargi. Dans un nouveau paragraphe, le Code pénal définit d'acte terroriste celui d'"œuvrer" ou d'"inciter", "par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels". Autrement dit, "(...) toutes les personnes ou tous les partis politiques ou associations qui proposeraient d'autres voies de sorties de crise que celles du pouvoir seront considérés comme terroristes", a commenté Zoubida Assoul, avocate et présidente de l'Union pour le changement et le progrès (UCP). "Cela veut dire qu'une thèse universitaire, donc scientifique, qui porte sur la transition politique, peut être considérée comme un acte terroriste", résume, pour sa part, le professeur de droit et avocat, Hakim Saheb. Ce dernier relève également le fait que "le texte est ambigu" et qu'il peut "ouvrir la voie à des interprétations, donc à des dérives comme les atteintes à la liberté de l'expression politique". Dans un autre alinéa, la nouvelle version du Code pénal précise qu'une "liste nationale des personnes et entités terroristes qui commettent l'un des actes prévus à l'article 87 bis du présent code, qui sont classifiés 'personne terroriste' ou 'entité terroriste'", est constituée par "la commission de classification des personnes et entités terroristes (...)". "Aucune personne ou entité, n'est inscrite sur la liste mentionnée au présent article, que si elle fait l'objet d'enquête préliminaire, de poursuite pénale, ou dont la culpabilité est déclarée par un jugement ou un arrêt", ajoute le texte. Avec cet amendement, "le pouvoir ne se limitera plus à l'étouffement des voix de l'opposition mais va jusqu'à les considérer comme des terroristes si l'on se réfère aux poursuites que nous vivons depuis juin 2019 à ce jour et les condamnations contre les activistes du Hirak, les journalistes, les politiques", a réagi encore Zoubida Assoul. La décision d'inscription sur la liste nationale est publiée au Journal officiel (...). Cette publication vaut notification des concernés, qui ont le droit de demander, leur radiation de la liste nationale, à la commission, trente jours à partir de la date de publication de la décision d'inscription. "La commission nationale peut radier toute personne ou entité de la liste nationale, d'office ou à la demande de la personne ou de l'entité concernée, lorsque les motifs de son inscription ne sont plus justifiés", nuance le texte. Pour Hakim Saheb, la décision de prendre cette ordonnance à quelques jours du scrutin est "grave" puisque le chef de l'Etat aurait pu "attendre l'installation de l'Assemblée pour proposer le texte, surtout que rien ne presse". Pour Zoubida Assoul, "c'est la porte grande ouverte à l'abus, l'arbitraire et au règlement de compte contre toute voix discordante".