La communauté universitaire est en deuil. L'intellectuel et figure emblématique de la recherche académique, Hadj Miliani, professeur de littérature à l'Université de Mostaghanem et chercheur associé au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d'Oran, n'est plus. Le satané virus de la Covid-19, encore lui, a frappé brutalement. Il emporte avec lui un digne enfant de l'Oranie. Plus qu'un académicien, c'était un acteur infatigable de la culture, immensément humain. Derrière lui, la scène artistique, les planches théâtrales sont désormais orphelines. La nouvelle est tombée tel un couperet dans la matinée d'hier. Sur les réseaux sociaux, amis proches, connaissances, enseignants universitaires, artistes ou encore de simples citoyens ont réagi, avec beaucoup d'émotion, à la disparition d'un homme décrit comme affable, grand passionné de musique et d'anthropologie, un intellectuel humble et profondément engagé dans l'action culturelle. Il était de ces hommes dont la rencontre est toujours bouleversante, témoigne une enseignante universitaire qui l'a rencontré il y a 20 ans. "Il y a plus de vingt ans, on m'avait invitée à une conférence sur les langues et musiques en Algérie. Je m'y suis rendue pour écouter religieusement un orateur passionné au savoir encyclopédique. Une belle amitié est née. Mieux : j'avais gagné un nouveau père spirituel", raconte Sihem Kouras, enseignante en Sciences du langage, à l'Université de Jijel. Né à Oran, le 21 mars 1951, Hadj Miliani a été, toute sa vie durant, un intellectuel actif sur les territoires de la culture locale, notamment. Ce n'était pas un intellectuel ordinaire ! C'était un semeur, un transmetteur de savoir. "La recherche universitaire était pour lui une passion et non une carrière !" Ces mots, sortis de la bouche de Benaouda Lebdaï, critique littéraire et enseignant des Universités, résument, peut-être, le mieux la personne de ce passionné qui avait encore tant à donner. "Il avait encore plusieurs projets. Il était tout le temps sur des projets. Il m'avait contacté, il y a peu de temps, pour une étude qu'il faisait sur la critique littéraire dans les journaux algériens. Hadj Miliani, chercheur rigoureux sur le plan scientifique, une personnalité bien marquée, avec un style bien à lui, le chapeau ne le quittant jamais ! Féru de culture orale algérienne, ses nombreuses études scientifiques témoignent de son dynamisme", témoigne le critique littéraire, sous l'émotion. Auteur de plusieurs publications et articles scientifiques dans les domaines de la sémiologie de l'image, des théories théâtrales, de la littérature et de la société, de l'anthropologie des pratiques culturelles, d'économie des médias, du patrimoine immatériel..., Hadj Miliani s'est hissé, dans une courte vie, au rang "des plus grands intellectuels et universitaires du Maghreb", écrit, sur sa page Facebook, un de ses amis, l'universitaire Ahmed Cheniki. L'homme de grande culture qu'il a été laissera sans doute la recherche universitaire orpheline. L'historien Amar Mohand Amer, un des collègues de Hadj Miliani au Crasc d'Oran, est encore sous le choc de la nouvelle. Lui qui l'a croisé dans les couloirs du Crasc, il y a seulement quelques jours, a du mal à digérer la disparition de l'homme au sourire éternel. "Je suis sous le choc. Nous étions ensemble, il y a à peine quatre ou cinq jours au Crasc. Il paraissait un peu faible, mais nous étions loin d'imaginer qu'il allait passer de vie à trépas. Nous perdons une figure emblématique de l'Université algérienne. C'est une grande perte pour l'Algérie et le Maghreb sur lesquels il a rayonné. Je suis bouleversé", dit, d'une voix émue, l'historien et directeur de la Division socio-anthropologie de l'Histoire et de la Mémoire (HistMém) au Crasc. Féru de musique, grand amoureux de raï, Hadj Miliani manquera beaucoup à la scène algérienne qui l'a adopté, chéri et élevé au rang d'étoile scintillante dans le ciel culturel algérien. Bachir Derraïs, producteur, scénariste, acteur, réalisateur, se rappelle un homme extraordinairement bon. "Quand j'ai connu Hadj Miliani, ce brillant chercheur et universitaire, j'avais à peine 25 ans, et depuis, nous sommes toujours restés en contact. Nous avons travaillé ensemble sur plein de documentaires sur la musique raï, notamment.C'était un homme extraordinaire, une encyclopédie et une vraie mémoire de l'Ouest algérien", a-t-il écrit sur son compte Facebook.