Pendant trois soirées, la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou s'est mise “à l'écoute”. Lounis est passé par là. Des spectacles comme on en voit que quand… Aït Menguellet chante. Pendant deux heures et demie, le poète abolit le temps. En fait, il est venu à des rendez-vous qui sont comme des diamants dont il est inutile de solliciter les irisations pour créer l'émotion. Des rendez-vous familiaux, aimables et raffinés au crédit desquels il faut aussi porter la magique attention du public et son assourdissant silence. Dès les premières notes, le chanteur et ses musiciens ont donné le sentiment de vivre leur rôle de l'intérieur et, sans attente, l'auditoire a retrouvé toute son émotion, sa noblesse et son poids d'humanité. C'est quand on assiste à un concert de Aït Menguellet que l'on comprend pourquoi le calme et l'écoute sont les composantes de son public : ils sont un moyen d'exister, de se signaler aux autres tout en leur résistant. Ceux qui écoutent Lounis piquent leur crise en solitaires, à l'abri des regards. Quel est le secret de cette symbiose ? Lounis sait-il ce que le public aime ? “Non, répond-t-il, je n'ai pas la prétention de savoir ce que le public aime et encore moins attend.” Juste. On a tendance à oublier que ceux qui croient maîtriser le goût du public sont précisément ceux qui considèrent que le public est idiot. Avec un répertoire original au grand bonheur des présents, le poète a raconté, pendant trois nuits, l'histoire des générations en laissant à peine à l'auditeur le temps de respirer. Des mouvements poétiques et musicaux ininterrompus. Tels des feux d'artifices dans une fête grandiose laissant à notre imagination l'espace pour nous transporter dans les siècles qui ont façonné ce pays. Entre Ardjouyi et Dda Yidir, Lounis puise au fin fond de ses souvenirs et quand il en oublie un le public le lui rappelle. Et Louiza rejaillit. Plus belle, plus envoûtante que jamais. De chanson en chanson, les spectacles deviennent des enchaînements de rythmes, d'instants qui frôlent la chute, dérivent vers des vertiges aspirés par un néant de tranquillité sous un ciel de Kabylie piqué d'étoiles. Des spectacles où on écoute les images. Cette féerie n'a pas échappé à Hadi Ould Ali, directeur de la Maison de la culture de la ville, qui, à la fin du dernier spectacle, est monté sur scène pour remettre au poète un superbe tableau pour le remercier au nom de ses employés et de tous les présents. Sur scène comme dans la vie, Lounis Aït Menguellet n'appartient ni à la terre ni aux hommes. C'est un superbe mystère. Il ne peut être que… “mauvais”. Prions pour qu'il le reste ! Ahmed Ammour