Les rescapés de ce village martyr endeuillé par la mort de plusieurs habitants sont plongés dans une effroyable tragédie dont ils ne se relèveront pas de sitôt. C'est le village qui incarne tristement la tragédie qui a plongé la Kabylie dans l'enfer. Ikhlidjen portera à jamais sur son corps la blessure des flammes. Il suffit d'y mettre le pied pour en revenir tout bouleversé, tout retourné. Le village est comme dépeuplé. De douleur surtout. La plus vive. Les incendies qui ont ravagé, mardi dernier, ce petit hameau de Larbâa Nath Irathen, ont laissé derrière eux au moins 25 cadavres calcinés. Ses habitants, du moins le peu qui reste sur place, continuent, de temps à autre, de découvrir, médusés, d'autres corps carbonisés. Interminable cauchemar. Le summum de cette douleur, muette mais insoutenable, ce sont ces deux derniers jours, qu'il a été atteint avec l'enterrement des victimes. Avant-hier, en fin de journée, les habitants ont procédé, la mort dans l'âme, à l'inhumation de 18 victimes à Agoulmim, l'un des quatre hameaux qui composent lkhlidjen. La seule vision des ambulances qui se dirigeaient vers le village transportant les corps sans vie et sans chair suffisait à arracher les cœurs. Les images des tombes préparées depuis déjà plusieurs jours et qui sont alignées faisaient le reste. Leurs dispositions renseignent, d'emblée, qu'il y a eu des familles quasiment décimées. C'est le cas de la famille Ighmouracène qui a enregistré six victimes, de la famille Abdiche dont cinq membres ont péri dans le violent incendie qui a surpris la région et encore de la famille Amalou qui a perdu trois de ses membres. Les incendies n'ont épargné ni les hommes ni les femmes et encore moins les enfants dans ce village où les larmes coulent sans discontinuer. Les circonstances de leur mort sont aussi choquantes les unes que les autres. À écouter les habitants les raconter fait tout simplement fendre les cœurs des plus insensibles. Hier matin encore, le village a enterré une dix-neuvième victime en attendant l'achèvement de l'opération d'identification de six autres corps, nous a expliqué un membre du comité de village. À peine la mise en terre des dix-huit victimes, les villageois découvrent le corps d'un enfant complètement carbonisé par les flammes. Suprême affliction. De quoi rendre fous les survivants. La découverte de cet enfant calciné a replongé le village dans l'effroi. Difficile de consoler les rescapés d'Ikhlidjen. Leur souffrance est indescriptible. Seul l'impressionnant élan de solidarité des Algériens venus des quatre coins du pays pour leur acheminer des dons et du réconfort leur réchauffe à présent le cœur. " A présent, nous avons besoin de rassembler tous les villageois qui ont fui et qui se trouvent éparpillés un peu partout, et d'organiser, au plus vite, une prise en charge psychologique au profit des enfants du village avant la rentrée scolaire", nous explique le jeune Belkalem qui, le regard triste et le cœur brisé, continue d'accueillir les nombreuses personnes qui continuent d'arriver au village. Dans les jours, sinon les semaines à venir, le village aura besoin de volontaires pour au moins nettoyer ce qui peut l'être afin de permettre aux habitants de revenir. En attendant, ce village dont les véhicules calcinés qui jonchent la route et les habitations brûlées témoignent toujours de la violence de l'enfer vécu, a surtout besoin de volontaires pour assister leurs brûlés évacués vers l'hôpital de Bouira et qui se sont retrouvés sans gardes-malades. Martyrisé, Ikhlidjen a extrêmement besoin d'aide et de soutien, ses habitants encore vivants nécessitent une prise en charge rapide. L'Etat est plus que jamais interpellé pour venir au secours de ce village qui n'a pas besoin d'une cérémonie officielle pour enterrer ses enfants, mais d'une rapide reconstruction.