Reportage de Saïd Aït Mebarek Il régnait une atmosphère de ville morte à Larbaâ-Nath-Irathen, hier, trois jours après le déclenchement des incendies qui ont ravagé de nombreux villages et causé de nombreuses pertes en vies humaines. Une quinzaine de décès et près d'une dizaine de disparus au niveau du seul village Ikhlidjène. L'horreur à Ikhlidjène Encaissé dans un plateau surplombant un vaste maquis, ce hameau habité par environ 500 âmes a vécu l'horreur, en cette journée du lundi. Le feu qui a encerclé les habitations de partout, a laissé peu de temps aux jeunes bénévoles du village pour organiser l'évacuation des familles dont beaucoup ont été piégées par les flammes. Dans le sauve-qui-peut, que nous décrit le jeune Messaoud, beaucoup y ont laissé leur vie. Messaoud parle d'une vingtaine de décès dont des enfants. Hier encore, ce sont trois personnes qui se sont ajoutées à ce décompte macabre. Elles ont été découvertes mortes dans un véhicule, près du village, nous dit notre interlocuteur. « C'est nous, les jeunes du village, aidés par les pompiers, qui avons transporté leurs dépouilles à la morgue de l'EPH de Larbaâ-Nath-Irathen. Nous sommes à la recherche d'au moins sept de nos concitoyens que nous considérons comme disparus puisque, jusqu'à aujourd'hui (hier, ndlr), ils n'ont pas donné signe de vie », précise le jeune Messaoud que nous quittons pour prendre le chemin du cimetière. Là, nous sommes frappés par la vision effarante qui s'offrait devant nous : celle d'un véritable chantier macabre où des groupes de jeunes étaient affairés à creuser des tombes. Nous avons pu apercevoir cinq sépultures dont une à la taille d'un enfant. Celle, sans doute, de la fille dont la photo la montrant à côté de sa jeune sœur a été largement diffusée sur le réseau social Facebook. Il ne nous a pas été possible de vérifier le récit horrible de la mort de deux sœurs qui auraient été découvertes inanimées et agrippés à leur maman. Taourirt-Mokrane, face à l'épreuve du feu Comptant parmi les grandes agglomérations villageoises de la wilaya de Tizi Ouzou, Taourirt-Mokrane a frôlé la catastrophe, dans la nuit du lundi 9 août. Amirouche Malek, activiste culturel connu et animateur du café littéraire et philosophique de Tizi Ouzou, nous raconte l'enfer vécu par le village dont il est originaire. « En un temps record, le feu qui est parti du territoire de la commune d'Ath Yenni, sis sur l'autre versant de la forêt de Verkmouch, surplombant le plateau de Takhout, parcourra les champs et maquis situés en contrebas de notre village. Plusieurs habitations seront la proie des flammes dont la nôtre qui a failli être consumée n'était la vigilance des jeunes bénévoles du village », racontera Malek. Un récit corroboré par le président du comité de village, Malek Mustapha. «Le feu a commencé vers 16h, dans la journée du lundi, en contrebas de notre village. Poussées par le vent, les flammes progresseront à une vitesse vertigineuse. Nous avions juste eu le temps de préparer l'évacuation des familles qui ont été exfiltrées vers les villages voisins et en ville (Larbaâ-Nath-Irathen) où elles ont trouvé refuge dans les établissements scolaires et les maisons de jeunes. Je tiens à remercier les habitants des villages voisins qui nous ont prêté main-forte, en mettant leurs véhicules pour le transport de nos familles », nous raconte, non sans peine, le président du comité de village que nous avons rencontré devant le grand local où sont stockées les aides alimentaires. « Des aides, eau, et autres victuailles qui nous parviennent de Béjaïa, Bouira, Boumerdès, Alger, Bordj-Bou-Arréridj... », nous dira Samir Djebbar, vice-président du comité de village et président de l'association des grossistes de la wilaya de Tizi Ouzou. Très actif, le jeune responsable du comité de village ne tarit pas d'éloges sur la mobilisation des villageois surtout les jeunes dont le dévouement et l'abnégation ont permis d'éviter la catastrophe au village qui, heureusement, a eu plus de chance que le village d'à côté, Ikhlidjène. Une chance que n'ont pas eue certains villageois de la commune d'Aït Aougacha, située sur les contreforts des collines qui jouxtent la RN 12. Djebbar Samir raconte la grande détresse de ces citoyens qui, eux aussi, comptent de nombreuses victimes dont des décès. Des décès ont été également dénombrés dans les rangs des soldats de l'ANP, dont le détachement est situé sur la route qui mène vers Aïn-el-Hammam. Lounis Mohand, P/APC de Larbaâ-Nath Nath-Irathen : «notre commune mérite le statut de territoire sinistré» «Au vu des dégâts qu'elle a subis, notre commune est quasi sinistrée. Depuis trois jours, la population est mobilisée pour lutter contre le feu qui a touché pas moins de 8 villages. Le feu ne nous laisse pas de répit. Au moment où je vous parle (hier, 13h30, ndlr), on me signale des foyers actifs dans divers endroits de la commune. La lueur d'espoir que nous avons entrevue durant la matinée n'a pas tardé à se dissiper. Les feux reprennent et ne nous laissent pas le temps d'organiser la riposte idoine. Pour autant, la population reste stoïque et fait preuve de beaucoup de résilience. La mobilisation, surtout des jeunes, et la solidarité sont de mise. C'est la mobilisation des jeunes à côté des éléments de la Protection civile qui nous a permis d'éviter la catastrophe. Les jeunes bénévoles ont été particulièrement actifs, que ce soit pour l'évacuation des familles ou l'organisation de la distribution des dons qui nous viennent de partout. D'ailleurs, je me dois de saluer l'élan de solidarité que beaucoup de nos concitoyens des autres wilayas, notamment de Béjaïa, Boumerdès, Bouira, Bordj-Bou-Arréridj, ont manifesté à notre égard. Sur le plan humain, nous déplorons la mort dune vingtaine de citoyens dans le village Ikhlidjène. Sur le plan matériel, il n'est pas encore temps d'évaluer les pertes. Mais ces incendies ont causé des pertes énormes pour l'économie locale au niveau de notre commune dont la population investit beaucoup dans l'arboriculture et l'élevage. S. A. M.