De lourdes peines allant de trois à dix ans de prison ferme ont été requises par le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed, jeudi, contre les propriétaires du groupe Condor, les frères Benhamadi, et 40 coaccusés, essentiellement d'anciens cadres de l'Etat, poursuivis pour plusieurs délits, notamment "blanchiment d'argent", "dilapidation de deniers publics", "incitation d'agents publics à exploiter leur influence pour l'obtention d'indus avantages" et "financement occulte de la campagne électorale". La plus lourde peine, 10 ans de prison ferme et une amende de 8 millions de dinars, a été requise contre Omar Benhamadi, en détention depuis deux années et demie, poursuivi dans l'affaire Travocovia, une filiale du groupe en charge de la réalisation d'un hôpital pour les grands brûlés de 120 lits dans la wilaya de Skikda. L'état d'avancement des travaux n'a pas dépassé les 60%, alors que le projet, entamé en 2014, devait être livré dans un délai de 22 mois. Dans le même ordre d'idées que les déclarations du mis en cause, en sa qualité de président du conseil d'administration de Travocovia, la défense a insisté, dans sa plaidoirie, sur la nature du sol abritant le projet et qui est gorgé d'eau, ainsi que le retard mis par le bureau d'études dans l'élaboration du plan du site. Dans un premier temps, "le bureau d'études, qui avait déjà réalisé la conception d'un projet similaire à Oran, a calqué le même plan pour le site de Skikda. Il a carrément fait un copier-coller du même plan, alors que la nature du sol n'était pas la même", avait soutenu Omar Benhamadi, à qui la justice reproche également de ne pas avoir payé les droits de concession de l'assiette de terrain. De son côté, le président du conseil d'administration de la filiale Condor Electronics, Abderrahmane Benhamadi, a écopé de 8 ans de prison ferme et une amende de 8 millions de dinars. Ce dernier a été longuement interrogé par le juge sur le marché de gré à gré passé en 2015 avec l'opérateur public de téléphonie, pour la fourniture de tablettes et de téléphones dans le cadre d'une offre que Mobilis avait proposée à ses clients. La valeur des achats a été de 2,18 milliards de dinars, sur un total maximal sur les trois années contractuelles de 2,25 milliards de dinars. Soit 750 millions de dinars d'achats chaque l'année. Mobilis, qui, durant la première année, a dépassé le seuil maximal défini dans le contrat, a présenté un bon de commande à Condor Electronics pour l'acquisition d'un lot supplémentaire, ce que le juge a considéré comme un acte de "violation du code des marchés publics". La défense d'Abderrahmane Benhamadi a expliqué, lors de la plaidoirie, que la commande supplémentaire n'a pas été payée la même année, puisque les deux parties ont abouti à "la conclusion d'un avenant de clôture et à la signature d'un nouveau contrat avec les mêmes termes, avec, cependant, le seuil maximal doublé, afin d'éviter tout dépassement non justifié dans les futures commandes". L'avenant de clôture a permis aussi "la régularisation des paiements en retard des factures de Condor Electronics". C'est ainsi que Mobilis a acquis en 2015 et en 2016 un lot de 241 000 tablettes et téléphones de marque Condor, du temps de l'ancien directeur général de l'opérateur public, Saad Dama, qui a écopé de 4 années de prison et d'une amende d'un million de dinars, et de l'ex-directeur des télécommunications, Mohamed Salah Daas, qui, lui aussi, a écopé d'une peine de 3 années de prison ferme et d'une amende d'un million de dinars. La défense des deux anciens cadres a insisté sur le fait que "la préférence de l'opérateur Condor a été décidée suivant une étude technique menée dans les différentes agences commerciales de Mobilis" et que "l'offre de tablettes Condor munies d'une puce Mobilis a permis de doubler le chiffre d'affaires de l'opérateur public". Abderrahmane Benhamadi a été longuement interrogé par le juge sur l'affaire GB Pharma, dans laquelle les deux anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal ont déjà été condamnés en première instance et en appel à 5 années de prison ferme pour "octroi de privilèges injustifiés au groupe Condor et à ses filiales, dont des facilitations pour la réalisation d'une usine de fabrication de médicaments". GB Pharma, qui était gérée par l'ancien ministre Moussa Benhamadi, décédé en prison en juillet 2020, avait bénéficié d'un crédit bancaire, d'exonération et des réductions en termes de taxes et d'impôts, et d'une concession d'un lot de terrain à la nouvelle ville de Sidi Abdellah, après son agrément en 2011. En sa qualité de président du conseil d'administration de cette filiale, Abderrahmane Benhamadi avait tout mis sur le compte de l'ancien gestionnaire administratif de ce projet qui n'a jamais vu le jour, affirmant que "le seul lien qu'il avait avec cette affaire, c'était une demande manuscrite qu'il avait rédigée pour l'acquisition d'un terrain d'assiette". L'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohamed Hattab, qui est poursuivi dans la même affaire pour "octroi d'indus avantages", à l'époque où il occupait le poste de secrétaire général de la wilaya d'Alger, a écopé, à son tour, de 5 années de prison ferme. Les plaidoiries des avocats des 40 accusés, entamées jeudi, vont reprendre dimanche.