L'examen de l'évolution de la consommation interne de l'énergie en Algérie durant la dernière décennie, fait ressortir une explosion de la demande en électricité et en gaz naturel. Cet indicateur montre clairement que notre pays risque d'entrer dans une ère de "précarité énergétique" qui menace sa sécurité énergétique. L'amélioration du niveau de vie des citoyens, la croissance démographique élevée, les taux de pénétration du gaz naturel et de l'électricité et les conséquences du changement climatique sont autant de facteurs à l'origine de ce constat, avance Rabah Sellami, directeur du programme du Commissariat aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique (Cerefe). Il faut noter que l'Algérie est classée parmi les pays qui seront violemment touchés, dans les années à venir, par le dérèglement climatique. Face à cette situation, les pouvoirs publics ont lancé un plan d'action ambitieux qui s'appuie sur deux piliers importants en mesure d'enclencher la transition énergétique du pays vers un système énergétique à même d'assurer à la fois sa sécurité énergétique et le respect de ses engagements internationaux relatifs à la réduction des émissions des gaz à effet de serre. "Le premier pilier est relatif à la diversification des sources énergétiques par l'intégration des énergies renouvelables et propres dans le bouquet énergétique et le deuxième est lié à la maîtrise de la demande par le développement de l'efficacité énergétique", souligne M. Sellami. Ainsi, il est prévu dans ce cadre de déployer, à grande échelle, des installations à énergies renouvelables pour soutenir le réseau électrique et recourir à la maîtrise de la consommation de l'énergie par de nombreux moyens tels que l'isolation thermique, l'utilisation des carburants propres (GPL-C, GNC), les chauffe-eau solaires... "Toutefois, l'expérience des pays précurseurs dans le domaine a montré que le caractère intermittent des énergies renouvelables constitue une barrière qui ne permet pas de répondre aux besoins d'une transition énergétique réussie", relève cet expert. Les recherches initiées de par le monde ont prouvé, arguent plusieurs chercheurs, l'apport considérable de l'hydrogène pour réussir ce mix énergétique. Stockage de l'énergie "L'hydrogène s'avère l'élément essentiel qu'il faut associer aux énergies renouvelables (hydrogène vert) pour atteindre les objectifs escomptés", estime ce responsable du Cerefe. En effet, l'hydrogène, indique-t-il, est un vecteur énergétique résilient, offrant à la fois la possibilité de stocker l'énergie produite par les énergies renouvelables et de "décarboner" efficacement l'ensemble des secteurs énergivores, qualifiés de difficiles à électrifier, dont le transport, l'industrie et le résidentiel. Il peut être utilisé aussi bien dans des procédés industriels que dans la production, le stockage et le transport d'énergie d'origine renouvelable. Le mélange avec le gaz naturel dans le réseau permet d'utiliser toute la flexibilité du réseau de gaz et sa capacité de stockage pour résoudre, de ce fait, le problème de l'intermittence des renouvelables. L'hydrogène a également cette capacité à être produit et consommé localement grâce à des parcs éoliens ou solaires. Ce qui a permis l'éclosion de nombreuses expérimentations, en particulier en Allemagne, tant dans le stockage d'énergie que dans la mobilité "décarbonée". Il est en outre utilisé en France dans le cadre de la transition énergétique. De grands acteurs énergétiques mondiaux cherchent déjà à se positionner sur ce marché naissant. S'il se développe, l'hydrogène se retrouvera en compétition économique avec le gaz dont les réserves ont explosé à la suite de la découverte de ressources non conventionnelles. Par conséquent, les initiatives mondiales et européennes pour le développement de l'hydrogène vert sont considérées comme des opportunités à saisir pour renforcer la présence de l'Algérie sur la scène internationale comme acteur inéluctable du marché de l'énergie. Pour garantir une place de choix dans le nouveau système énergétique mondial qui se dessine à l'horizon, l'Algérie est, selon des observateurs, plus que jamais appelée à renforcer sa position de fournisseur énergétique incontournable, notamment sur le marché européen, profitant des atouts et des capacités qui sont en sa possession et de sa forte présence dans le marché du gaz naturel. "C'est une énergie dont l'Algérie pourrait aussi être un exportateur privilégié vers l'Europe, mais dont les retards dans le domaine sont pour l'instant abyssaux", souligne, pour sa part, le militant écologiste Karim Tedjani. Potentialités L'Algérie est le pays qui dispose le plus d'atouts et d'arguments, à l'échelle régionale, pour se positionner dans le marché de l'hydrogène vert. L'on peut citer son immense potentiel solaire, éolien et hydrique ainsi que son vaste territoire qui est en mesure de recevoir des installations solaires de très haute capacité, lui garantissant la production de l'hydrogène vert à des coûts très compétitifs. À ces avantages, l'on peut ajouter sa longue côte maritime de plus de 1 200 km, son réseau de pipelines de transport de gaz naturel traversant la Méditerranée et sa position géographique stratégique, à proximité de la rive européenne. L'on doit tenir compte aussi de sa longue expérience dans l'industrie du gaz naturel, notamment dans la liquéfaction et le transport (maritime et par pipes). "Toutes ces capacités devront faire de l'Algérie le pays le mieux placé pour se lancer dans la production de l'hydrogène vert destiné à l'exportation notamment vers l'Europe", soutient Rabah Sellami. Cependant, le lancement de la production de l'hydrogène vert nécessite, suggère ce spécialiste, "la mise en place d'une stratégie à court, moyen et long termes, fondée sur l'implication de toutes les parties prenantes et la création d'un écosystème intégré dédié au développement de l'hydrogène". M. Sellami juge utile aussi de créer des usines pilotes de moyenne capacité et d'instaurer un cadre juridique et normatif adapté. Pour lui, il serait judicieux de réaliser des partenariats avec des pays leaders dans le domaine.