En ce nouvel an 2022, la communication officielle dessine une perspective de lendemains qui chantent. De lendemains socioéconomiques s'entend. Car pour la vie politique, tout ce qui n'entre pas dans le projet de parachèvement de "l'édifice institutionnel", au demeurant accompli, est renvoyé au statut de "complot" et réprimé comme tel. Dans son message de vœux, le président Tebboune annonce, comme augure de cet avenir radieux, l'amorce d'"une véritable renaissance nationale" rendue possible par "la mobilisation des forces et des potentialités latentes" jusqu'ici "bloquées par les entraves bureaucratiques, résultat naturel des mentalités de le rente et d'actes de corruption qui ont rongé les capacités de le nation". Pour le Président, cette résurrection économique permettra aussi "d'œuvrer à intensifier et à accélérer les programmes de prise en charge de développement social durable et garantir une vie digne aux Algériennes et Algériens dans les quatre coins du pays". Cet optimisme officiel a été malencontreusement nuancé par un rapport, disons moins confiant, de la Banque mondiale. Il est plus concrètement contrarié par un contexte socioéconomique où les entraves politiques, bureaucratiques et psychologiques sont plus persistantes qu'on veut l'admettre. La réaction officieuse courroucée que le tableau de notre économie dessiné par la BM a déclenchée est significative de ce que le régime n'admet plus qu'on vienne perturber l'ambiance d'autosatisfaction entretenue par une communication conformée. Une difficulté supplémentaire est venue s'ajouter à la crise de système, en effet : en même temps que le processus électoral alternatif à la rupture systémique revendiquée parvenait à son terme, le niveau de vie de l'Algérien déclinait. Ne pouvant alors prétendre à l'image d'un pays en renouveau politique, le régime se contenterait bien de l'illusion d'un pays en décollage économique et social. Il doit penser, en effet, qu'une projection financière favorable devrait lui assurer une sérénité sociale durable. Cette "réussite" l'aiderait même à justifier sa démarche de répression politique comme une lutte contre les "complots" destinés à empêcher ou à retarder la "renaissance nationale". Le pouvoir s'investit dans une quête de légitimité "sociale" pouvant pallier l'absence de légitimité démocratique. Une légitimité démocratique à laquelle il a, dans les faits, renoncé. Paradoxalement, le mouvement populaire, qui justifie l'entreprise de renouvellement institutionnel, est réprimé parce qu'il se poursuit, et que sa poursuite, même dans son expression virtuelle, entrave le constat de fin de crise. Or, pour le pouvoir, il n'y a plus de revendication légitime ; il n'y a plus que des complots. C'est cette démarche qui fonde le déni de détenus politiques, alors que des Algériens, au nombre approchant les trois cents, sont en prison parce qu'on leur reproche des faits, des positions pour certains, en relation avec le mouvement populaire pour le changement. Depuis le début du Hirak, il n'y a qu'une continuité pratique politique dans la répression de la contestation. Une fois les marches étouffées, la traque répressive s'est orientée vers la simple survivance médiatique de l'idée de changement de système. La dernière semaine de l'année 2021 a été une semaine judiciaire pour certains blogueurs et beaucoup de journalistes, convoqués, auditionnés, rejugés ou mis en détention provision, selon le cas ; l'année 2022 ne s'annonce pas meilleure en la matière. Le recentrage socioéconomique du discours officiel a l'ambition d'enterrer la question systémique posée par le Hirak. Mais comment un régime peut-il dépasser une question qu'il entretient lui-même en voulant l'étouffer par la répression politique ?