Ayant constaté le rejet de son projet de Grand Moyen-Orient, l'Administration Bush revient à la charge cette fois-ci en utilisant des organisations non gouvernementales arabes pour mieux convaincre. Manama, la capitale bahreïnie, a abrité lundi et mardi une réunion regroupant des organisations non gouvernementales arabes autour du sujet cher aux Américains, à savoir les réformes des pays arabo-musulmans du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord. Cette rencontre constitue en fait un prélude à une rencontre de niveau ministériel regroupant les pays concernés par le projet américain de Grand Moyen-Orient, prévue pour les 11 et 12 du mois en cours à Manama. Ainsi, après l'échec du “Forum de l'avenir” de Marrakech, c'est une nouvelle tentative qui voit le jour sous la même appellation avec la participation cette fois-ci de représentants des pays membres du G8. Les Etats-Unis seront représentés par la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Condoleezza Rice. Les organisations non gouvernementales, conviées à ce premier rendez-vous, mettent d'emblée la pression sur les régimes arabes, à l'image de James Zogby, le président de l'institut arabo-américain. Invité à cette conférence, Zogby s'est ingénié à minimiser le rôle des Américains dans cette entreprise. Il a surpris plus d'un en affirmant que les Etats-Unis “avaient perdu la capacité et la crédibilité pour défendre des changements démocratiques en raison de leur politique en Irak et vis-à-vis des Palestiniens”. Il n'a toutefois pas manqué d'insister sur l'importance des propositions de Washington en précisant que “ce que dit l'Amérique ne doit pas être ignoré”. Selon lui, les Arabes “doivent s'attacher aux réformes non pas parce que les Américains veulent cela, mais parce qu'ils en ont besoin”. Lui emboîtant le pas, des responsables d'ONG ont mis l'accent sur le fait que les réformes étaient “nécessaires” pour moderniser le monde arabe. Abdel Nabi al-Akri, le coordinateur des organisations non gouvernementales présentes à cette réunion, a indiqué lors de la cérémonie d'ouverture de cette rencontre que les réformes dans les pays arabes “n'étaient pas destinées à satisfaire l'Occident et à servir ses intérêts”. Il a tenté de convaincre du bien-fondé des réformes en affirmant que “les organisations de notre société civile doivent réaliser que les réformes et la démocratisation sont une nécessité pour la modernisation du monde arabe” et que ces réformes doivent “toucher les domaines politiques, économiques et sociaux”. Pour faire passer la pilule, Washington a changé de tactique. Tout est permis, y compris les critiques contre la politique américaine, pour venir à bout des résistances au sein des régimes arabes. À Manama, les intervenants n'ont pas ménagé les Etats-Unis tout en rappelant que cela “ne doit pas servir de prétexte pour retarder les réformes”. K. ABDELKAMEL